Rester en bonne santé quand on pratique le vélotaf urbain au quotidien demande quelques compétences. Voici comment s’en sortir.
Il n’existe pas vraiment de permis de conduire pour vélo, et c’est peut-être regrettable. C’est d’ailleurs une question sérieuse qui se posera probablement avec de plus en plus d’acuité dans les temps futurs, où la circulation urbaine aura basculé majoritairement du côté des bicycles et autres engins de déplacement individuel, qu’ils soient électriques ou musculaires. Il faudra peut-être alors repenser complètement le Code de la route.
En attendant, les trajets à vélo en ville, s’ils constituent la plupart du temps une expérience et un moment agréables, ne sont pour autant pas de tout repos en termes d’attention et de vigilance.
Voici quelques conseils de la part de quelqu’un qui pratique cette discipline depuis de longues années, après avoir été motard au long cours (sur route, piste et aussi en ville) et VTTiste du week-end, et qui pour le moment affiche zéro accident, sauf une belle gamelle en trottinette électrique due à une sale avarie de batterie ayant conduit au blocage du frein moteur logé dans la roue avant.
Cela peut paraître un peu simpliste, mais il faut savoir qu’aujourd’hui n’importe-qui peut enfourcher un VAE de 25 kg roulant à 25 km/h, sans permis, sans initiation, et sans la moindre notion des bases du partage de la chaussée. Je vois ce type de personne absolument tous les jours, et plusieurs fois par jour. A quoi les reconnait-on ? La plupart du temps à un comportement typique, celui du changement de direction ou du demi-tour inopiné sans prévenir et sans vérifier ce qui arrive derrière. Le Code de la route est juste du bon sens, qui commence tout simplement à se protéger en évitant de se faire percuter ou de percuter les autres. Si l’on regarde avant de traverser la chaussée, pourquoi ne pas le faire avant de changer de direction ou de faire demi-tour sur une piste cyclable ? Le respecter, c’est se donner quelques chances de vivre un peu plus vieux et en bonne santé. C’est donc regarder derrière quand on tourne, ce qui devrait être un simple réflexe. Idem pour s’arrêter, si possible on évite de piler en plein milieu de la voix cyclable pour répondre à un appel ou sortir un Kinder Bueno de sa poche.
J’ai déjà eu l’occasion de le dire et de m’en étonner, je trouve regrettable que le rétroviseur ne fasse pas partie des équipements de sécurité obligatoires sur un vélo. Pour moi c’est absolument vital et incontournable sur n’importe quel véhicule. Je crois que mon regard passe autant de temps à observer ce qui se passe dans mon dos et autour de moi que devant, voire, dans certaines situations (route dégagée mais forte circulation derrière), plus de temps. Comme il est hors de question de se retourner sans arrêt car c’est aussi dangereux qu’inconfortable, un bon vieux miroir fait l’affaire. Et ce n’est pas seulement avant de changer de direction, mais aussi pour surveiller régulièrement ce qui arrive dans votre dos afin d’anticiper. Mais bon, voir le chapitre précédent, ceux qui ne regardent jamais derrière ne le feront peut-être pas davantage avec un rétroviseur. Il suffit de voir certains automobilistes pour s’en convaincre. Eux ont pourtant non pas un mais trois rétroviseurs. Et des clignotants.
Je sais, le respect (ou pas) des feux rouges par les cyclistes est un grand débat, souvent très enflammé. Les anti-vélos brandissent souvent cet argument en premier, vidéos à l’appui sur Twitter, pour illustrer et justifier leur détestation – souvent irrationnelle – du vélo. Le sujet n’est pas aussi simple et binaire qu’il y parait. Il y a de nombreux cas où on peut passer au feu rouge (je préfère cette expression à « griller » un feu rouge), la meilleure preuve étant l’instauration et la généralisation du panneau M12 donnant l’autorisation conditionnelle de franchissement d’un feu par les cyclistes lorsqu’il est rouge. Mais si l’on tient à sa peau, mieux vaut s’abstenir de passer au rouge. Car, quelque soit le contexte, la nature humaine est ainsi faite qu’elle perd sa vigilance au fur et à mesure qu’une routine s’installe. Et cela marche aussi malheureusement pour le passage au rouge. Quand vous l’aurez fait par habitude des dizaines de fois, vous vous ferez un jour ou l’autre cueillir par un autre usager que vous n’aurez pas vu et qui arrivera pleine balle. Le meilleur moyen d’éviter cela est de se contraindre à attendre le vert, même si c’est le 15 août minuit et que toutes les voies sont (apparemment) désertes. Cela parait contre-intuitif, mais ça peut éventuellement allonger un peu votre espérance de vie.
C’est un truc naturel qui vient de l’enduro, puis du VTT. Étant donné la nature irrégulière et souvent inconnue du terrain, et les vitesses parfois élevées, l’enduriste a acquis une façon de « scanner » les chemins sur lesquels il évolue dans un mouvement incessant consistant à porter son regard dans un mouvement de balayage longitudinal sur une distance de 10 à 20 mètres devant sa roue avant. Son champ de vision se rétrécit latéralement pour se concentrer sur la largeur nécessaire à sa sécurité, et son regard balaye ce périmètre sur une longueur entre 1 mètre et 10/20 mètres (selon la vitesse et la nature du terrain) devant lui dans un mouvement de va et vient. Alors bien sûr, les conditions de roulage en ville sont loin de celles du Dakar, mais cette habitude de vigilance permet d’anticiper et d’éviter les mauvaises surprises bien en amont, comme les nids de poule, les plaques d’égouts ou les marquages au sol façon patinoire, ou les éclats de verre qui ne demandent qu’à cuisiner vos pneus en mode steak tartare.
Quand on voit les débats et les empoignades autour du vélo en ville, on a l’impression que le respect des autres ne marche que dans le sens « descendant », à savoir de l’automobiliste vers le cycliste et du cycliste vers le piéton. C’est à mon avis une mauvaise façon d’appréhender la question. Certes l’automobiliste doit respecter le cycliste car il en va directement de la sécurité, voire de la vie de ce dernier. Mais il n’est pas interdit au cycliste de respecter aussi l’automobiliste, ce qui semble beaucoup plus rare. Respecter l’automobiliste non pas parce qu’il est automobiliste mais en tant qu’autre usager de la chaussée, et éviter les postures victimaires – souvent en vogue chez certains vélotaffeurs – serait un bon début. Par exemple sur une priorité à droite, ou en le laissant passer quand on est sur une voie cyclable à contresens et que c’est beaucoup plus facile pour nous que pour lui de nous arrêter ou de nous ranger pour se croiser. Idem s’il s’agit de se serrer à droite pour laisser passer une file de bagnoles qu’on ralentit au point de créer un bouchon, par exemple dans une montée étroite à double-sens. De toute façon, quelque soit son égo et son bon droit, face à un truc en colère d’une tonne et demie, le cycliste n’aura jamais raison. Sauf s’il préfère avoir raison en fauteuil roulant ou six pieds sous terre, évidemment.
C’est vraiment un truc que j’ai remarqué, et c’est la raison pour laquelle le titre de cet article parle d’hostilité. Si vous vous déplacez régulièrement en ville à vélo, vous avez déjà certainement ressenti un truc un peu impalpable, cette espèce d’ambiance un peu agressive à votre égard de la part de certains automobilistes, pas tous heureusement, et probablement même une minorité. Une sorte d’hostilité « naturelle » qui là aussi relève de la nature humaine, et que j’ai connue de façon exacerbée en moto dans mes jeunes années. Pourquoi la nature humaine ? Parce que je crois que l’humain déteste voir dans son environnement un congénère plus « libre » et agile que lui. A fortiori quand il est enfermé dans sa caisse et bloqué dans un bouchon ou à un feu, et qu’il constate qu’à vélo tu vas plus vite et que tu vas arriver avant lui à destination. Il existe des dizaines de situations, pas seulement avec les automobilistes, mais aussi avec les piétons, où vous sentez que quelqu’un vous cherche – notamment du regard – parce que vous occupez « son » espace. Dans ces cas, le plus sage est de ne jamais répondre, ne pas croiser ce regard que vous sentez peser sur vous, et d’ignorer totalement les provocations. Regardez devant vous, tranquille et tracez votre route. Éviter les regards c’est éviter les ennuis et les querelles sans fin, et totalement stériles.
Sauf si vous êtes absolument seul.e sur une piste cyclable totalement dégagée et sans intersections, le mieux est de toujours garder un ou deux doigts sur les leviers de freins, a fortiori dans un contexte encombré. A 25 km/h, vous parcourez 7 mètres par seconde, et une seconde peut être la différence de délai de freinage si vous avez les doigts sur les leviers. De quoi largement éviter un choc. En milieu très dense, avoir aussi un doigt sur la sonnette peut aussi vous sauver de quelques situations périlleuses. Attention cependant à bien doser, car on sait que plus de la moitié des accidents à vélo se produisent lors d’un freinage trop appuyé, souvent sans contact avec un autre usager.
Un autre truc qui vient de la moto (mais utile aussi en voiture) est de scruter en permanence l’intérieur des voitures. Pour celles qui sont garées à droite de la piste cyclable et que l’on est parfois contraint de frôler en raison de la circulation, il s’agit de regarder s’il y a quelqu’un à bord côté gauche, conducteur et/ou passager, et tenter de prédire ses intentions. Une portière est très vite ouverte et ça peut faire très mal. Dans les voitures en circulation, il est crucial de pouvoir savoir si le conducteur vous a vu, notamment en croisant son regard dans l’un des rétroviseurs. C’est particulièrement important quand vous êtes dans son angle mort droit et qu’arrive une intersection dans laquelle il peut potentiellement tourner à droite et vous serrer ou vous percuter parce qu’il ne vous a pas vu. Au pire, ne jamais doubler par la droite de toute façon, a fortiori le long d’une file de voiture stationnées et à l’approche d’une intersection.
La survie à vélo en milieu urbain (et hostile) est le fruit d’une multitude de comportements et de petits trucs où l’attention, la vigilance et l’attitude sont clés. En ce domaine la suffisance et l’arrogance sont très mauvaises conseillères, et l’humilité face au danger est souvent a meilleure façon d’y faire face.
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