On parle beaucoup de mobilités douces et de micro-mobilités, mais les infrastructures sont-elles réellement adaptées ?
Avant, quand il s’agissait de se déplacer en ville, les choses étaient assez simples. Il y avait les voitures, les transports en commun et les piétons. Et les équipements qui allaient avec.
Depuis l’émergence des nouveaux modes de transport urbain, cela s’est légèrement compliqué. Pour tout le monde, autant du côté des municipalités que des usagers. Il est par exemple devenu très délicat d’utiliser sa voiture au cœur des grandes villes, et pas seulement à cause des bouchons ou des restrictions liées à la pollution, mais aussi et surtout parce que conduire en milieu urbain aujourd’hui ne ressemble plus du tout à ce que c’était il y a seulement encore quelques années. La voirie, l’aménagement, la multiplication des modes de déplacement (vélos, engins de déplacement individuel motorisés ou pas) et autres ZFE ont rendu la vie infernale à l’automobiliste, qui de guerre lasse finit pas abandonner l’idée de prendre sa voiture.
C’est l’idée du « trafic induit », c’est l’objectif visé, et ça marche.
Mais ne nous leurrons pas, si ces contraintes ont été créées pour libérer les centre-villes du tout automobile, de ses dangers et de la pollution inhérente – atmosphérique et sonore, elles n’ont pas encore réussi complètement à les transformer en eldorados pour les nouveaux modes de mobilités dites « douces ». Car se déplacer à vélo ou en EDPM (Engin de Déplacement Personnel Motorisé) reste encore parfois une expérience éprouvante pour les nerfs, entre le risque permanent qui nécessite une vigilance de tous les instants et les « bugs » d’infrastructure qui rendent parfois les mobilités douces très… dures.
Cela étant, s’il reste encore de nombreux progrès à faire pour pacifier les trajets à vélo ou en EDPM et les rendre vraiment agréables, il convient quand même de saluer les efforts entrepris par les collectivités locales. L’occasion de faire un point en forme de lexique sur les nouveaux aménagements censés faciliter et fluidifier la circulation entre les différents modes de transport qui se partagent l’espace public.
Vous utilisez indifféremment ces deux termes pour qualifier les axes de circulation dédiés exclusivement aux mobilités douces ? Vous n’êtes pas seul.e. Il y a pourtant une différence entre ces trois types d’aménagement. Les bandes cyclables sont directement « peintes » sur la chaussée via un marquage au sol représenté par une ligne continue ou discontinue, et un pictogramme représentant un vélo. Les pistes cyclables sont des voies isolées de la chaussée et protégées des véhicules motorisés, tracées sur une portion de trottoir ou séparées de la voie automobile par un terre-plein et/ou une barrière, en tout cas un dispositif physique qui fait de la piste cyclable une « route à vélo » (ou EDPM) à part entière. La ville de Lyon, avec ses Voies Lyonnaises, est la première en France à pousser le concept très loin, avec un aménagement en cours de plus de 250 kilomètres de pistes cyclables reliant les principales communes de agglomération sans jamais partager le bitume avec une auto.
Cet aménagement assez peu connu des usagers semble avoir fait son apparition récemment avec le développement des mobilités urbaines alternatives et notamment du vélo. En fait il existe depuis… 1998 ! Un sas vélo est une surface dédiée aux cyclistes sur un carrefour à feux de circulation. Placé au niveau du feu tricolore, et symbolisé par un pictogramme représentant un vélo, il est délimité par une ligne pointillée en amont de laquelle doivent s’arrêter les voitures. C’est un espace strictement réservé aux vélos, une « zone-tampon » assurant la sécurité et une place aux cyclistes aux carrefours.
Un drôle de nom pour un drôle d’aménagement. Les chaucidous (ou chaussidous), un mot qui est une contraction de « chaussée à circulation douce », sont ces routes un peu bizarres que vous avez peut-être rencontrées récemment, constituées d’une voie centrale pour les véhicules motorisés et de deux bandes latérales pour les cyclistes. Deux voitures ne peuvent se croiser sur la voie centrale, et doivent donc empiéter sur les voies latérales, ce qui peut créer des quiproquos entre différents usagers.
Vous avez peut-être déjà vu ce petit panneau à certains carrefours avec feux de signalisation. S’il existe depuis de nombreuses années, il n’est pas encore très connu du public, y compris les cyclistes, premiers concernés. Ce dernier indique que les cyclistes peuvent passer au feu rouge sous certaines conditions, et dans une direction indiquée par le panneau. A utiliser avec prudence, car ce n’est pas un chèque en blanc pour traverser les carrefours sans regarder.
A ne pas confondre avec la multimodalité (qui désigne le fait que plusieurs modes de transports sont disponibles en un lieu donné), l’intermodalité consiste pour une personne à utiliser plusieurs modes de transport dans un même trajet. Le cas le plus fréquent étant un déplacement en trottinette électrique en centre-ville, puis en métro ou en bus pour rejoindre la périphérie, trottinette pliée sous le bras. Il reste des progrès à faire dans ce domaine, car embarquer un engin motorisé dans un bus, un tramway ou un train n’est pas encore chose aisée, quand ce n’est pas tout simplement proscrit.
L’objectif de l’abaissement de la vitesse en ville n’est pas seulement à visée écologique au sens de moins de pollution. Cela concerne aussi le fait que plusieurs modes de mobilité puissent cohabiter de façon fluide et avec moins de risques pour les plus vulnérables. Cela étant, si l’on voulait pousser la logique à fond et réellement harmoniser les flux, il faudrait soit descendre la limitation à 25 km/h pour les voitures, ou la monter à 30 km/h pour les VAE et autres EDPM. Nous votons pour la deuxième option.
Certaines zones de circulation censées favoriser ou aider les déplacements à vélo ou en EDPM sont en fait parsemées de « coupures urbaines », des passages où les cyclistes sont confrontés à des ruptures dans leur trajet, rendant celui-ci compliqué, chaotique, voire dangereux. C’est souvent le cas en périphérie ou dans les points de jonction entre le centre-ville et la banlieue, parfois coupés par une voie rapide. Comme le rapportent nos confrères de Citycle, la Communauté urbaine de Strasbourg, l’une des plus engagées dans les mobilités douces, a débloqué 8,5 millions d’euros pour construire une passerelle enjambant à la fois l’autoroute et les voies ferrées du nord de la ville.
Nous l’avons déjà vu récemment et à plusieurs reprises, le risque élevé de vol reste l’un des principaux freins à l’adoption en masse du vélo – a fortiori du VAE, plus coûteux – pour tous les trajets, et notamment de loisirs et de sorties. Les collectivités locales, en relation avec les opérateurs de parkings, commencent à se pencher enfin sérieusement sur la question en déployant des espaces de parking sécurisés pour vélos. On trouve des espaces dédiés, fermés et accessibles par carte sur abonnement dans les parkings de Lyon Parc Auto. Sinon des start-ups s’emparent du sujet, comme la Ruche à Vélo par exemple.
Ce n’est pas du vélo mais c’est la même démarche. Le free-floating (trottinettes en libre-service) est mort, essentiellement du fait des utilisateurs et du manque de civisme d’une partie d’entre eux. Il reste aujourd’hui un ersatz de cet usage qui était pourtant aussi pratique que révolutionnaire, avec l’obligation de garer sa trottinette sur des espaces réservés à cet effet. C’est ainsi qu’on a vu éclore des parkings à trottinettes dans les centre-villes, espaces dédiés remplaçant généralement une place de parking auto, sur laquelle on peut garer facilement entre 10 et 20 trottinettes.
Les pistes cyclables ne sont plus seulement des bandes de bitume. Elles deviennent progressivement de véritables espace de vie pour les mobilités douces, et il est fort possible que dans l’avenir un écosystème se développe autour, comme ce fit le cas le long des routes dans les décennies précédentes. Sur certains emplacements, on trouve déjà des stations de gonflage, mais on pourrait imaginer d’autres services adaptés à ces nouveaux modes de déplacement. Ce qui nous amène au point suivant.
A l’instar des voitures électriques, pour lesquelles les réseaux de recharge se développent à grande vitesse depuis quelques mois, le VAE et ses cousins électriques de déplacement individuel ont également besoin de faire de temps en temps le plein d’électrons. Alors bien sûr cela se fait sans problème à domicile ou sur le lieu de travail dans l’écrasante majorité des cas, mais tous les VAE n’ont pas 100 km d’autonomie, et dans un contexte de balade et d’exploration il peut être nécessaire de recharger en route. Dans ces cas, qui risquent de devenir de plus en plus courants, de petites bornes de recharge rapide (entre 30 et 60 minutes pour une charge à au moins 80%) dédiées le long des itinéraires cyclables ne seraient pas un luxe. Et si elles sont en plus équipées de prises USB pour charger en même temps le téléphone, et alimentés par panneaux photovoltaïques, alors c’est bingo. De nombreux prestataires sont déjà sur le coup, comme Bike-Energy ou encore Abri-Plus, preuve qu’il existe un besoin.
Le passage aux mobilités douces motorisées à l’énergie zéro émission est une question de choix personnel, mais celui-ci peut être motivé et encouragé par une volonté politique forte et incitative. La question des infrastructure, qui couvre les principales préoccupations en matière de sécurité des personnes, de confort et de lutte contre le vol, est clé. Nous sommes sur la bonne voie mais il y a encore un peu de travail et encore probablement des aménagements et des services à améliorer, voire à imaginer.
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