Comment briser le plafond de verre du vélo ?

Il est accessible à tous, bénéfique pour la santé, pour le compte en banque, pour le moral et pour le mental. Mais le vélo a atteint son plafond de verre. Les ventes baissent, les stocks stagnent, l’idée d’une métamorphose des déplacements urbains et périurbains prend de plus en plus l’aspect d’une lubie lointaine ou d’un rêve trop grand.

Et oui, malgré cet engouement qui s’affiche dans les rues et sur les réseaux sociaux, la loi anti-dumping favorisant la relocalisation de la production (intégrant un peu plus le vélo à la vie des citoyens), les bienfaits sanitaires, les financements locaux et régionaux, un plan de relance vélo de 55 millions d’euros, une Europe y croit dur comme fer (mais l’Europe croit en beaucoup de choses, oubliant qu’elle ne représente qu’un huitième de la population mondiale, répartie dans une superficie équivalente à celle du Brésil) tout semble s’être tassé. L’euphorie de l’après-COVID n’est qu’un lointain souvenir qui terminera en un résumé de 3 lignes dans les livres d’histoire. Le vélo semble buter contre ce plafond de verre. Pourquoi ?

Entretemps, la voiture, malgré un marché rendu difficile par une transition forcée et rapide vers l’électrique, continue de faire croire qu’elle est indispensable. Elle arrive à passer pour la réponse parfaite à un monde qui valorise la rapidité, le confort et la commodité.

Mais paradoxalement, la voiture, censée offrir tout cela, nous impose des contraintes que nous avons complètement intégrées. Le coût de l’entretien, de l’assurance, du carburant, sans compter les heures perdues à chercher une place de stationnement, à aller faire le plein, ou à se frayer un chemin dans les bouchons pour parcourir quelques pauvres kilomètres… Et tout ça pour rester confortablement coincé dans une bulle de métal surchauffée l’été, gelée l’hiver, à fermer les fenêtres et activer le recyclage de l’air pour ne pas s’asphyxier, en train de stresser devant chaque seconde perdue à attendre qu’un feu passe au vert, ou qu’un conducteur rêveur avance parce que le stop ne va pas passer, lui, au vert. Nous acceptons même ces marches répétées après s’être garé loin pour éviter les coups de portières, qui abîmerait un engin qui coûte (trop ?) cher… Nous acceptons des contraintes absurdes pour nos autos, mais dès qu’il s’agit du vélo, tout devient soudainement insurmontable.

Le marqueur social est démesuré, pour le temps passé à l’utiliser et l’argent dépensé.

Comment la voiture a-t-elle réussi à faire passer ses défauts pour la normalité ? La réponse à cette question pourrait bien être le salut du cycle et, de manière plus large, des petits véhicules urbains. Après tout, l’arrivée du moteur électrique sur les vélos a ouvert un large champ des possibles. De la petite remorque au gros cargo en passant par la caravane. Même les pompiers veulent s’y mettre.

Alors, comment casser ce plafond de verre ? Comment rendre le vélo aussi attrayant que la voiture, malgré toutes ses limitations ?

Premièrement, il faut repenser les infrastructures. Les pistes cyclables ne doivent pas être de simples bandes peintes sur la chaussée, mais de véritables voies sécurisées, continues et surtout, SURTOUT, intelligemment connectées. Si l’on veut que le vélo devienne une alternative crédible à la voiture, il faut que l’expérience de rouler en ville soit sûre et agréable.

Ensuite, il est crucial de revoir notre conception du vélo en tant qu’outil familial et professionnel. Pendant longtemps, la voiture a été un marqueur social, jusqu’à l’arrivée du leasing, parfois social lui aussi. Dépenser une fortune dans son auto est un signe de réussite. Le vélo traine l’image d’un rétropédalage industriel, d’un retour en arrière. Un snobisme teinté d’une lassitude, d’un confort si difficile à obtenir pour la plèbe. Pourtant, éviter le coût exorbitant d’une auto rend moins dépendant du montant de sa paie, moins tributaire de ses revenus pour ne pas vivre dans un appartement trop petit parmi des gens trop nombreux. Le gain mensuel du vélo est supérieur à tous les placements financiers sans risque existants, car il permet de placer l’argent « gagné », ou de le dépenser. Puis c’est net d’impôts…

Le speedbike flirte avec les 10 000 euros et les 45 km/h sur route.

Les vélos cargos, capables de transporter des enfants ou des courses, doivent devenir des outils aussi communs que les SUV dans nos villes. Les infrastructures dédiées à leur stationnement doivent être augmentées. Pourquoi sommes-nous prêts à payer 3 € pour stationner notre voiture 15 minutes dans un parking aux places trop petites et à l’agencement ridicule, mais rechignons à l’idée de créer des espaces sécurisés pour des vélos ? Des vrais, pas des semblants de cages non sécurisées.

Le vol ? Il faut 5 minutes pour cloner une clé d’ouverture à distance et repartir avec le véhicule, au point que des constructeurs comme BMW ont mis au point un système de désactivation du signal automatique. Il y a bien votre assurance qui fera (peut-être) correctement son travail, une fois, avant de vous radier, augmentant ainsi un peu plus votre dépense mensuelle. Le vélo, lui, sera décourageant, moyennant 3 antivols dont le prix total est équivalent à 3 mois d’assurance en tout risque.

Il est temps de réviser notre tolérance aux inconvénients. Nous avons accepté depuis des décennies les coûts, la perte de temps et le stress liés à la possession et à l’utilisation de voitures. Il est grand temps d’appliquer cette même tolérance au vélo. Oui, il pleut parfois. Oui, il faut porter un imperméable. Mais est-ce vraiment pire que de payer de quoi se faire des vacances de rêve chaque année pour faire, le plus souvent, quelques kilomètres en ville ?

La ville de Nazaré au Portugal ou le concept de densité urbaine à son paroxysme. Quoi de mieux qu’un vélo pour s’y déplacer ? Ses jambes, à la limite.

Il va être grand temps de changer les mentalités. Tant que nous considèrerons la voiture comme une nécessité absolue et le vélo comme une alternative de seconde zone, les bouchons en heure de pointe ne se calmeront pas, nous paierons cher notre stationnement et les dépenses mensuelles coûteront un bras, en plus de la surenchère de taxes. Mais si nous inversions la tendance. Si les Youtubers présentaient des vélos préparés par Mansory, si les Drag-Race se faisaient sur des biclous, si l’achat d’un vélo s’accompagnait d’une bâche à soulever pour découvrir l’engin, si le business du vélo acceptait de lâcher un peu de son pécule pour en faire la promotion comme l’automobile dont les acteurs dépensent des millions d’euros chaque année, si rouler à vélo devenait un marqueur social enviable et désirable, bref, si le vélo était considéré comme la « bagnole », alors nous exploserions ce plafond de verre, notre pouvoir d’achat serait meilleur, notre moral et notre santé également. Nous aurions plus d’espace en ville et les engins motorisés (car il y en a qui resteront une nécessité pour une frange de la population) seront plus à leur aise.

Mais pour le moment, nous cherchons à remonter le câblage situé sous le carrelage pour éteindre une ampoule qui possède pourtant un interrupteur dédié, fonctionnel, facile à utiliser et bien mis en évidence. Allez comprendre…

Le derailleur
Le derailleur

Sniper du deux-roues

Tous les 15 jours, Le Dérailleur s’invite à la rédac’ pour vous parler de vélos et de nouvelles mobilités. Coup de cœur ou coup de gueule, son avis est toujours très tranché et n’a pas vocation à engager l’ensemble de la rédaction.


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1000km
11 heures il y a

Si on faisait plus de pubs pour promouvoir le 2 roues à la tv, à la radio… Quand on voit le budget pub des marques automobiles…la lutte est vaine et inégale ?