Avant de chevaucher sa monture électrique, mieux vaut se renseigner un peu sur la réglementation. Quitte à avoir quelques surprises.
Vous connaissez comment fonctionnent nos démocraties, dont l’un des grands principes repose sur l’idée qu’il faut absolument protéger les citoyens… d’eux-même, y compris sans leur demander leur avis.
Avec les crises, notamment sanitaires, ayant émaillé son histoire au cours des dernières décennies, notre pays est devenu l’un des champions de l’autoprotection par l’empilement des lois, règlements et directives en tous genres, qui désormais rythment notre quotidien sans même que nous y prêtions encore attention. A Bruxelles, la France a la réputation d’être ce pays qui rajoute toujours quelques couches législatives aux directives européennes avant de les mettre en application sur son propre territoire. On a même trouvé un terme – plus administratif que poétique – pour nommer cette spécialité tricolore : la « surtransposition du droit européen en droit français ».
Bref, même si l’intention est louable, cette lourdeur bureaucratique ne fait pas que des heureux, et surtout, a tendance à générer des réglementations inadaptées, et parfois même, disons-le, stupides, voire contre-productives. D’un autre côté, la loi est bien laxiste sur des éléments de sécurité qui pourraient être rendus obligatoires alors qu’ils n’existent même pas à l’heure actuelle.
Tour d’horizon des lois sur les deux-roues électriques au Royaume d’Ubu.
Depuis le 1er juillet 2015, il est interdit à vélo de porter à l’oreille tout dispositif susceptible d’émettre un son (écouteurs, oreillettes ou casque audio). Au passage il est également interdit de téléphoner quand on est en mouvement sur son vélo. Selon les auteurs de cette loi, le fait d’être ainsi équipé pourrait enfermer le cycliste dans une bulle étanche aux bruits extérieurs, le mettant en danger en raison de la perte de contact auditif avec son environnement. Quand on pratique couramment le vélo – et même la trottinette électrique – en milieu urbain, on comprend très bien cette disposition, et l’on ne peut qu’y souscrire pour peu que l’on tienne un tant soit peu à sa peau. Effectivement, rouler en ville en étant totalement isolé phoniquement de ce qui nous entoure est pratiquement suicidaire. Pas seulement parce que l’on n’entend pas, mais aussi par la distraction que peut apporter un son trop fort dans les conduits auditifs (trop fort s’entendant ici dans le sens d’un déséquilibre avec le bruit ambiant, ou couvrant celui-ci).
Cependant il existe aujourd’hui des dispositifs qui permettent d’écouter du son sans pour autant être isolé du monde extérieur. C’est le cas notamment des systèmes audio à conduction osseuse, qui diffusent le son indirectement via les os du crâne. Ce procédé non-isolant ni invasif permet d’écouter la radio ou de la musique dans des conditions similaires à celles que l’on connait en voiture avec un volume raisonnable.
Même chose pour les lunettes « intelligentes » avec système audio intégré dans les branches, comme certains modèles proposés par Böse ou les Ray-Ban Stories, qui fournissent un son audible sans isoler de l’extérieur, très pratiques notamment pour recevoir les instructions de se on GPS en cas de randonnée en terre inconnue.
On pourrait penser que ces appareils seraient autorisés par le législateur. Malheureusement il n’en est rien, ils sont également interdits et leur utilisation passible d’une amende de 135 euros.
En revanche, écouter du son à fond dans une voiture fermée hermétiquement et donc totalement isolée de son environnement sonore est parfaitement légal.
Notez les guillemets dans l’intertitre de ce chapitre. En effet, ce n’est pas la vitesse des vélos à assistance électrique qui est limitée, mais l’assistance au pédalage, qui s’arrête lorsque l’on atteint 25 km/h. En ce qui concerne ce bridage, il nous semble qu’une réévaluation serait la bienvenue. Bien que cette vitesse soit confortable et sécurisante, l’évolution des modes de déplacement individuels, particulièrement en milieu urbain, a placé le VAE au rang des moyens de transport les plus lents, du moins sur terrain plat.
En tant qu’adepte quotidien du vélotaff, je constate que les VAE sont souvent les derniers de la piste cyclable, tandis que d’autres modes de déplacement individuels, tels que les trottinettes électriques, les skateboards motorisés, les gyroroues, voire les vélos traditionnels, circulent en moyenne entre 30 et 35 km/h, comme sur un tapis roulant. Ce constat s’applique non seulement aux pistes cyclables, mais également à la chaussée, où une vitesse de 25 km/h ne procure pas le sentiment de sécurité nécessaire dans le flux de circulation.
Ainsi, il conviendrait de déterminer une vitesse maximale d’assistance idéale pour un VAE, située raisonnablement entre 30 et 35 km/h, potentiellement ajustable via un système GPS adaptant la vitesse en fonction des circonstances. Cependant, il est possible que cette suggestion soit encore un peu trop futuriste pour nos décideurs bruxellois.
Concernant la puissance d’assistance, bien que celle-ci puisse varier en fonction du couple du moteur, les spécifications précises demeurent souvent floues chez les constructeurs. À 250 Watts, il n’est pas toujours garanti de gravir toutes les pentes avec un niveau d’assistance adéquat, compromettant ainsi le confort des trajets. Il est essentiel de rappeler que la plupart des adeptes de VAE ne rêvent pas de participer au Tour de France, mais utilisent ces véhicules pour leurs déplacements quotidiens, les trajets courts ou les balades du week-end. Souvent novices en cyclisme, ils ont découvert cette pratique grâce à l’assistance électrique. Dans ces conditions, un soutien insuffisant sur des dénivelés importants peut s’avérer dissuasif et démotivant.
De plus, la puissance demeure inchangée, qu’il s’agisse d’un utilisateur seul ou accompagné de passagers et de bagages (comme dans le cas des vélos-cargos), qu’il pèse 50 ou 90 kilos. Une incohérence manifeste. Bien entendu, il est plus judicieux de considérer le couple, mais celui-ci est souvent lié au prix et à la qualité du VAE. Les modèles d’entrée de gamme, aux alentours de 700/800 euros, affichent un couple très modeste, souvent inférieur à 20 Nm. En revanche, il faudra débourser plus de 2 500 à 3 000 euros pour bénéficier d’un couple supérieur à 50 Nm, voire atteignant 80 Nm, ce qui, bien sûr, change considérablement la donne et permet presque de gravir des montagnes.
Bien que la limite à 250 Watts garantisse une meilleure efficacité et autonomie de la batterie, il pourrait être envisagé d’autoriser une puissance plus élevée (400 à 500 Watts) pour résoudre plus aisément cette problématique.
Si la réglementation est parfois inadaptée parce que devenue obsolète ou trop contraignante par rapport à la réalité de la chaussée, elle brille aussi de temps en temps par son silence assourdissant.
C’est le cas avec l’absence de textes autour d’éléments de sécurité pourtant évidents que sont les rétroviseurs, les feux stop et, dans une moindre mesure, les clignotants.
Il est en effet incompréhensible qu’un élément aussi basique de sécurité et d’attention à son environnement comme les rétroviseurs ne soit pas rendu obligatoire depuis longtemps. D’un côté on interdit les oreillettes au prétexte que celles-ci rendent « sourd » à son environnement immédiat, d’un autre on accepte que l’on soit « aveugle » hors de son champ de vision naturel. Quand on se déplace aux commandes d’un engin motorisé en ville, et même hors ville, utiliser un rétroviseur devient vite un réflexe naturel incontournable qui permet de surveiller de façon permanente ce qui se passe derrière soi. Le feu stop éviterait peut-être aussi quelques collisions, y compris entre cyclistes sur les voies réservées, quand on voit le nombre d’arrêts intempestifs au mépris de toute précaution dont certains sont coutumiers, y compris quand vous arrivez à 25 km/h derrière sans possibilité de faire un écart car il y a du monde en face. D’ailleurs, les opérateurs de trottinettes électriques en libre-service l’ont bien compris, puisque notamment les Dott sont équipées d’un feu stop. Quant aux clignotants, ce serait également utile, sauf si l’on considère que les cyclistes ne les utiliseraient pas, puisqu’à l’instar des automobilistes, il semblerait que cet usage soit en voie de disparition… Rares sont les vélos équipés d’origine de clignotants, comme ceux d’Angell par exemple.
On a gardé la meilleure pour la fin. Les Engins de Déplacement Personnel Motorisés (EDPM), tels que les trottinettes électriques, les gyropodes, les monoroues, les hoverboards et les skateboards électriques, sont soumis à l’obligation légale d’assurance de responsabilité civile. Cette assurance garantit la prise en charge des éventuels préjudices que vous pourriez occasionner, qu’il s’agisse de blessures à un piéton percuté ou de dommages matériels causés à un autre véhicule.
En revanche, contrairement aux EDPM, les VAE ne sont pas soumis à l’obligation d’assurance responsabilité civile. Les cyclistes sont en effet couverts par la garantie responsabilité civile de leur assurance habitation.
En résumé, il est obligatoire d’assurer une trottinette électrique de 15 kg roulant à 25 km/h mais pas un vélo assistance électrique de 25 kg roulant à 25 km/h…
On pourrait encore ajouter à cet inventaire l’obligation de garer désormais sa trottinette en « free-floating » (qui n’en a plus que le nom, donc) sur des parkings dédiés, ce qui rend son utilisation beaucoup moins souple, et donc sans objet, l’interdiction des trottoirs à ces mêmes engins même quand le GPS limite leur vitesse par geo-fencing à celle du pas, ou encore les subventions allant jusqu’à 4 000 euros pour l’achat d’un vélo-cargo…
Mais nous passerions certainement pour des esprits grincheux.
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