AccueilMarchéDroits humains : Decathlon secoue l’industrie du vélo en Asie

Droits humains : Decathlon secoue l’industrie du vélo en Asie

Façade d’un magasin Decathlon à Taïwan, acteur clé dans l’évolution des pratiques sociales de l’industrie du vélo

Accusée de maltraitance envers des travailleurs migrants, l’industrie taïwanaise du cycle tente de redorer son image. Mais derrière les communiqués rassurants, les révélations se multiplient sur des pratiques encore bien ancrées. Et les grands noms européens, comme Decathlon, jouent un rôle croissant dans la pression au changement.

Une industrie en plein malaise éthique

La publication, en début d’année, d’une enquête du journal Le Monde Diplomatique a jeté un pavé dans la mare : rétention de passeports, menaces, logements insalubres, salaires non versés… les conditions de travail de nombreux ouvriers migrants dans l’industrie taïwanaise du vélo – pourtant fleuron mondial du secteur – se révèlent largement en contradiction avec les principes éthiques mis en avant par les marques.

Selon le rapport, ces violations concernent de nombreux fournisseurs, y compris ceux qui alimentent les plus grandes marques de vélos électriques distribuées en Europe. En réponse, plusieurs entreprises du secteur ont contre-attaqué, promettant des mesures correctives. Giant, premier fabricant mondial, affirme par exemple qu’il ne laisse plus aucun frais de recrutement à la charge des travailleurs étrangers depuis janvier 2025.

Mais dans un pays où la législation autorise encore les agences à facturer les travailleurs, les abus restent fréquents. Et tout le monde dans l’industrie n’a pas encore adopté cette posture plus éthique.

Decathlon, catalyseur d’un changement de modèle ?

Face à ces dérives, certains acteurs européens tentent d’imposer leurs propres standards. C’est le cas de Decathlon, client majeur de plusieurs sous-traitants taïwanais. L’enseigne française exige désormais que tous ses fournisseurs appliquent une politique stricte de respect des droits humains, avec audits réguliers à la clé.

Chez VP Components, fabricant taïwanais de pièces vélo, ce sont justement les exigences de Decathlon qui ont enclenché un virage. Fin du système de dettes contractées par les travailleurs, égalité salariale entre employés taïwanais et étrangers, amélioration des logements… « Ils nous ont montré une autre façon de faire. Ça nous a ouvert les yeux », confie DC Liao, directeur des ventes de l’entreprise, à Bike Europe.

Même son de cloche chez SunnyWheel, autre fournisseur local, qui affirme avoir supprimé les frais d’agent dès 2022. Et depuis, affirme la direction, les travailleurs migrants n’hésitent plus à faire venir leurs proches pour rejoindre l’entreprise.

Une transformation encore incomplète

Si des progrès sont visibles, la route reste longue. À Taipei, une alliance sectorielle nommée Bicycling Alliance for Sustainability (BAS) a bien été créée pour instaurer un code de conduite partagé. Mais son application à l’ensemble des 82 membres prendra du temps. Selon Charlie Liu, directeur ESG chez Giant, les audits et formations ne commenceront que dans les prochains mois, avec une montée en puissance progressive « sur plusieurs années ».

Le cas Specialized montre par ailleurs que les effets d’image peuvent vite rattraper les marques. La firme américaine a été la cible d’une manifestation à Taipei, accusée d’avoir laissé des ouvriers d’un sous-traitant au Salvador sans salaire après la fermeture de leur usine. Specialized a nié toute responsabilité, mais l’affaire rappelle que les audits seuls ne suffisent pas toujours à garantir l’éthique sur toute la chaîne.

Dans ce contexte, la pression des distributeurs européens – Decathlon en tête – pourrait jouer un rôle clé pour accélérer la transition. Car si le vélo électrique se veut vecteur d’un monde plus propre, sa fabrication devra, elle aussi, devenir plus juste.

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