L’édito d’aujourd’hui devait être différent. Mais certains évènements vous poussent à changer vos plans. Il ne s’est pas fallu de grand-chose. Une discussion, un cycliste qui passe, les J.O, quelques gouttes de pluie. Il s’en est suivi une discussion qui a abouti à cette phrase : « tu imagines si l’on nous mettait tous sur des vélos. ».
Alors forcément, cet édito se projette sur l’inverse. Que se passerait-il si les déplacements à vélo ou en trottinette électrique en étaient interdits ? Si nous devions nous retrouver en voiture, parce qu’une loi nous y contraignait ?
J’ai donc arrêté le vélo et j’ai repris une voiture. Oui une, parce que je ne suis pas fou. Je n’allais pas abimer le joli break familial en lui faisant parcourir une quarantaine de kilomètres au quotidien dans un trafic congestionné. Il a fallu trouver un modèle d’occasion pas trop kilométré. L’assurance s’est ajoutée à la note d’une remise en état. Sans compter le budget carburant. Je n’étais pas prêt, mon conseiller financier non plus. Mes vélos coûtent peut-être cher, mais ils ont nettement moins de frais annexes. Et ça doit être pire pour ceux dont la trottinette a coûté 500 euros.
En 2023, les Parisiens ont passé 120 heures à attendre dans les embouteillages. Le record de 650 km a même été atteint le 9 mai 2023. Voilà qui explique l’engouement qu’ont les constructeurs automobiles à caser des écrans géants sur les planches de bord.
Le trajet dans les bouchons est l’équivalent d’un match de football américain : des phases d’action par à-coup. Chaque situation nécessite une stratégie. Changer de file ou non ? Avancer lentement pour éviter de freiner et risquer de voir quelqu’un s’insérer, ou lécher le parechoc du véhicule devant ? La notion temporelle est identique d’ailleurs et ce qui devait ne durer qu’une heure s’étend sur trois.
J’avoue que je jouais sur mon téléphone lorsque j’étais coincé dans le trafic. J’ai arrêté lorsque j’ai failli emboutir l’arrière du véhicule de devant, dont le conducteur n’était autre que mon adversaire à Candide Rush Sega.
Après quelques jours, mon corps s’est habitué et mon esprit occultait ce moment. J’écoutais de la musique, assis dans un siège. Au chaud, quand il faisait froid. Au frais quand il faisait chaud. Mais souvent, j’ouvrais les fenêtres pour me rappeler que dans le monde d’avant, mon trajet était fluide et je pouvais sentir l’air sur mon visage, sans mettre la ventilation à fond.
Le problème de ces « voyages en voiture » est cette constante incertitude de l’heure d’arrivée qui devient usante.
Je n’étais pas le seul à être en retard. Il a d’ailleurs fallu décaler l’heure de début d’activité au bureau, parce que plus personne ne l’était désormais. Si ce n’était que ça. J’étais épuisé avant même de commencer la journée et énervé également. Entre les queues de poisson, ce gars qui me collait au parechoc, la personne qui a bloqué tout le carrefour parce qu’elle a forcé le passage, ou cette femme qui a attendu au moins trois secondes avant de démarrer après que le feu soit passé au vert.
Les transports en commun en ont pris pour leur grade. Comme s’ils n’étaient pas assez engorgés, une partie des anciens utilisateurs de vélos se sont rabattus dessus. Les malaises ont de fait augmenté de 17 % et l’intensité a gagné 3 %. C’est que les 4 % d’actifs prenant le vélo représentent des centaines de milliers de nouveaux passagers à caser dans des rames de métro ne pouvant contenir que 686 personnes. Le problème était qu’elles étaient déjà pleines, ces rames.
Au fil d’une fatigue qui augmentait, les retards s’accumulaient. L’air de rien, une mesure aussi faible a engendré un bouleversement majeur de l’univers professionnel. Le télétravail était primordial, ce qui rendait les locaux moins important et la localisation s’est excentrée, faisant tourner l’immobilier et les commerces des alentours. Un clivage se créa rapidement entre les entreprises dites « modernes » et celles qui voulaient coute que coute ne pas acter pour le fameux « TT ». Ces dernières se sont mises à recruter plus proche parce que d’une manière ou d’une autre, deux heures à minima de trajet au quotidien, c’est beaucoup trop.
Huit mètres carrés. C’est la surface au sol moyenne occupée par une voiture. Une seule. Dans l’absolu, ce n’est pas tant que ça. Mais multiplié par les 500 000 vélotafeurs, cela faisait tout de même 4 kilomètres carrés de surface à utiliser pour les garer. D’ailleurs, les tarifs de stationnement des sociétés privées ont par pure coïncidence augmenté depuis l’établissement de cette loi et le gouvernement a forcément calibré le prix du stationnement en conséquence. Sauf à Paris, où ils confondent le volume et la masse.
Les sociétés misant sur l’autopartage ont explosé. Le deal était parfait et les vingtaines de vélos qui se répandaient salement sur le sol ont pu laisser place à deux voitures tout au plus. Les opérateurs n’ont cessé de changer. Ce n’était plus une valse, mais de la Tecktonik.
Heureusement, le gouvernement sait reconnaitre ses erreurs, à défaut de les éviter. La loi fut remaniée, une manière élégante d’avouer à moitié s’être trompé. La conséquence inattendue fut une augmentation incroyable du nombre de vélotafeurs. La loi avait fait écho dans le monde. Les gens adorent faire le contraire de ce qu’on leur interdit ou qu’on leur impose. Le marché du vélo a été revu à la hausse. De 53,9 milliards de dollars en 2023, il a été estimé à 69 milliards contre les 66,2 milliards avant la mise en place puis l’annulation de la loi.
Ironiquement, ce fut un rétropédalage du gouvernement qui donna le plus envie aux gens de pédaler.
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Vélo électrique15 novembre 2024
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