Quand on voit le grand bazar que sont devenues certaines voies cyclables, on se demande s’il ne serait pas temps d’y remettre un peu d’ordre, et de sens commun…
En tant qu’utilisateur quasi-quotidien de vélo électrique et fervent défenseur de la mobilité urbaine durable, je me pose souvent une question cruciale : les pistes et voies cyclables doivent-elles être réservées exclusivement aux vélos ?
Cette interrogation soulève des enjeux majeurs pour l’avenir de nos villes et le bien-être de leurs habitants. D’un côté, les adeptes de la circulation douce prônent un sanctuaire sécurisé pour les cyclistes, loin des dangers de la circulation automobile. De l’autre, certains automobilistes et usagers des transports en commun redoutent une ségrégation accrue et une perte d’espace public.
La question de l’accès exclusif aux pistes et bandes cyclables pour les vélos est un sujet de débat de plus en plus pertinent dans le contexte actuel de mobilité urbaine. Alors que les villes du monde entier cherchent à promouvoir des modes de transport plus durables et à réduire la congestion, la question se pose : faut-il restreindre l’accès aux pistes et bandes cyclables exclusivement aux vélos ?
Au cours de la dernière décennie, l’utilisation du vélo en milieu urbain a connu une croissance exponentielle. Les villes ont investi dans des infrastructures cyclables, créant des réseaux de pistes et de bandes cyclables pour faciliter les déplacements à vélo. Ces infrastructures ont non seulement permis de réduire la congestion et la pollution, mais elles ont également contribué à améliorer la santé publique en encourageant l’activité physique.
Mais il y a un mais, bien sûr, sinon ce serait trop simple… Avec l’essor des trottinettes électriques, des skateboards électriques et d’autres formes multiples de micro-mobilité – et les incivilités qui généralement viennent avec -, les pistes cyclables sont devenues de plus en plus encombrées. Ces nouveaux usagers, qui se déplacent souvent à des vitesses différentes de celles des cyclistes, peuvent créer des situations potentiellement dangereuses. De plus, les piétons, attirés par la sécurité relative des pistes cyclables par rapport à la circulation automobile, peuvent également empiéter sur ces espaces, créant ainsi des conflits d’utilisation.
Alors, piste cyclable partagée ou sanctuaire réservé ? Essayons de comprendre les implications de la réglementation actuelle.
Au-delà du titre de cet article légèrement provocateur, une vraie question quand on voit parfois l’anarchie qui règne sur ces espaces et le grand bazar que sont devenues les pistes et bandes cyclables.
Tout d’abord, la sécurité. La principale motivation des partisans des pistes cyclables réservées est la protection des cyclistes. En effet, les statistiques sont alarmantes : en France, on dénombre plus de 200 cyclistes tués chaque année sur les routes. Les pistes cyclables séparées de la circulation automobile permettraient de réduire considérablement ce chiffre en créant un espace protégé pour les deux-roues. En ce sens, on a souvent tendance à associer pistes cyclables et déplacements urbains, alors que l’urgence aujourd’hui serait de développer des voies cyclables en périphérie et en milieu rural. En effet, les statistiques sont implacables à ce sujet : plus de la moitié des accidents mortels à vélo ne se produisent pas en ville mais en zone rurale !
Ensuite, la fluidité du trafic. Loin d’être un obstacle à la circulation, les pistes cyclables réservées peuvent en réalité contribuer à la fluidifier. En effet, en séparant les flux de circulation, on évite les ralentissements causés par les interactions entre cyclistes et automobilistes. Encore faudrait-il que les usagers de ces espaces respectent les règles basiques de la sécurité et du vivre ensemble, ce qui malheureusement semble de moins en moins être le cas au fur et à mesure que le nombre de cyclistes et conducteurs d’EDPM augmente. A ce sujet, on peut finir par se demander si de lourds et encombrants vélos-cargos transportant 300 kilos de marchandise ou 3 personnes à plus de 30 km/h ont encore réellement leur place sur les voies cyclables eu milieu de frêles cyclistes musculaires.
Les vélos cargos électriques, parlons-en. En 2020, les ventes de vélos cargo en France ont bondi de 354%. En 2021, elles ont encore augmenté de 54%. Ces vélos, souvent utilisés pour le transport de marchandises ou de personnes en milieu urbain, offrent une alternative pratique aux véhicules motorisés traditionnels. Cependant, leur taille et leur poids peuvent poser des problèmes sur les pistes cyclables. A tel point que certains vont jusqu’à comparer le développement de ces derniers à celui des SUV dans le secteur automobile. Et quand on voit que ce genre de monstre pourrait circuler au calme sur les voies cyclables, on se dit qu’il y a peut-être quand même un léger problème, non ?
Les speed-bikes, quant à eux, sont des vélos électriques capables d’atteindre des vitesses allant jusqu’à 45 km/h. Bien qu’ils ressemblent à des vélos traditionnels, ils sont légalement considérés comme des cyclomoteurs. Cela signifie qu’ils ne sont pas autorisés sur les pistes cyclables et doivent circuler sur les routes. Et pourtant j’en vois tous les jours, qui déboulent sur les pistes cyclables et slaloment sans ralentir parmi les autres usagers. L’utilisation croissante des vélos cargos et des speed-bikes pose clairement des défis en termes de sécurité et d’occupation de l’espace sur les pistes cyclables. Les vélos cargos, en raison de leur taille et de leur poids, peuvent représenter un danger pour les autres usagers des pistes cyclables. L’Association suisse Transports et Environnement (ATE) s’est déjà exprimée sur le sujet en émettant des réserves quant à la sécurité routière, considérant comme un risque le fait de rouler sur les pistes cyclables avec des vélos cargos lourds.
Du côté de la réglementation, il faut reconnaître que ce n’est pas totalement limpide puisque cette dernière autorise l’usage des pistes cyclables aux cycles à deux ou trois roues, aux cyclomobiles légers et aux engins de déplacement personnel motorisés sur une chaussée à plusieurs voies, sans préciser de dimensions, de vitesse limite ni de poids. Ce qui ouvre la voie à l’arrivée de véhicules intermédiaires qui pourraient à terme occuper un espace important et créer des frictions avec les simples cyclistes. J’exagère ? Pas sûr. Il suffit de pratiquer les voies cyclables au quotidien pour constater que les comportement de leurs usagers ne sont pas beaucoup plus civils que ceux que l’on reproche aux automobilistes.
D’un autre côté, l’espace public et la chaussée ne sont pas extensibles à l’infini. Il faut donc faire avec ce que l’on a, quitte a élargir encore les voies réservées aux mobilités douces, avec toutes les conséquences qu’implique ce mixage et cette diversité de moyens de déplacements individuels. Alors, restreindre les voies cyclables aux seuls vélos, voire plus, aux seuls vélos musculaires serait-il une bonne solution ? Pas sûr. En revanche on pourrait peut-être imaginer une sorte de « permis » (pourquoi pas à points) donnant accès à ces dernières et imposant une formation faite de pédagogie et de sensibilisation en quelques points simples.
En quelque sorte une charte de bonne conduite et de bon usage de la voie cyclable, pour le bien de tous. Nous y reviendrons dans un prochain article.
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