Le brouillard se lève difficilement sur la ville calme. Il est quatorze heures du matin, c’est un jour férié, alors c’est le matin toute la journée, jusqu’à la soirée. Le moment idéal pour faire le point sur la mobilité.
Une légère prise de recul suffit à nous émouvoir de l’époque finalement formidable dans laquelle nous vivons. À tel point, qu’il faut condenser tous les problèmes du monde en une émission de 25 minutes pour donner l’illusion que celui-ci va mal. Vous ne croyez guère cette idée ? Alors coupons Twitter (ou X) et les chaines d’actualité un instant et partons ensemble à travers l’espace et le temps. Peut-être que ce voyage vous fera changer d’avis.
Commençons par New-York en 1915. Les passants voient des Autopeds arpenter les rues. Des engins étranges qui ressemblent à nos trottinettes à sauce steampunk. Depuis, l’embrayage a disparu, le bloc 4 temps de 155 cm3 à refroidissement par air a été remplacé par un bloc électrique synchrone à aimant permanent (voire deux) et l’énorme réservoir a muté en une batterie, offrant de 12 à 150 km d’autonomie.
L’Autoped survit un temps en Allemagne, puis disparaît en 1922. Presque un siècle et une flopée de crises du pétrole plus tard, la trottinette électrique que nous connaissons prend le relais, pour devenir l’engin de déplacement urbain motorisé le plus efficace et accessible de l’histoire.
Rendons-nous en Allemagne. Si vous trouvez la posture de danseuse sur vélo ridicule, sachez que l’ancêtre de la bicyclette appelée Laufmaschine (ou machine à courir), sorte de grande draisienne pour adulte a été l’objet de bien des moqueries.
Nommée vélocipède en France, dans la mesure où il faut marcher vite dessus, elle laisse sa place au Grand-Bi qui s’affranchit du concept de transmission en plaçant les pédales sur le moyeu de la roue avant et la selle par-dessus. Une petite roue vient assurer un peu d’équilibre à l’ensemble. En 1890, la bicyclette de sécurité offre des roues de tailles identiques. C’est chouette, c’est grisant, mais la révolution industrielle et l’automobile va tuer le vélo jusqu’à ce qu’on se rende compte que l’essence est chère et que pédaler est bon pour la santé.
Après le COVID, le vélo a explosé et son prix aussi. Mais aujourd’hui, il peut disposer d’un moteur pour assister au pédalage. Nous pouvons nous mouvoir selon nos envies de sport ou de détente et rouler pour profiter de l’air frais. Il y en a à tous les prix, pour tout le monde.
Partons en Californie, et plus précisément à Hollywood en 1989. L’hoverboard de Marty McFly fait rêver les générations 70-80. Si le skate ne vole pas encore, il peut se déplacer vite et sans effort. Ironie ou pas, Larry Stevenson, sorte de papa de l’industrie du skateboard, puisqu’il l’a popularisé dès les années 60 (en déposant un certain nombre de brevets) rêvait d’un skate pouvant se déplacer avec un moteur. Une idée qui lui vint après avoir vu Marty et sa planche à voler rose. Des rêves improbables naissent parfois les plus folles des inventions.
À propos de folles inventions, la gyroroue n’est pas mal dans son genre. L’outil de glisse qui vous offre des sensations de ski, sans neige. Tant mieux, il n’y en aura bientôt plus, et ce, bien plus tôt que de l’eau. Se déplacer par le seul balancement du buste et avoir les mains libres tout en confiant son corps à la science littéralement. Car c’est le système électronique qui s’oppose à vous qui maintient l’équilibre, rendant les chutes douloureuses. Mais le plaisir est bien là, lui. Ironie, cette invention rappelle un personnage de la Bande à Picsou, lui-même inspiré de Robocop, un être humain ayant fusionné avec une machine. La boucle est bouclée, vous pouvez glisser. Mais pas tout de suite.
Passons d’abord par la Belgique, une fois du moins. Nous sommes en 1899. La Jamais Contente, qui par son nom aurait pu être parisienne s’élance à 105,882 km/h. Elle ressemble à un suppositoire et fend l’air comme personne ne l’aurait imaginé. Mais elle est peu maniable et sa modeste autonomie n’aide guère à faire autre chose que d’établir un record de vitesse. De nos jours, une Tesla Model Y Performance a encore cette forme de « fusée » sculptée pour pénétrer l’air et peut le faire à 250 km/h. Son autonomie est bien meilleure et on peut surtout la recharger un peu partout. Il est néanmoins amusant de voir que la course à la vitesse du 20ème siècle a laissé place à la course à l’accélération. Les temps changent, les plaisirs humains restent.
Les Etats-Unis vous manquent ? Nous y retournons, mais en 1903. Les frères Orville et Wilbur Wright effectuent le premier vol motorisé. Le New-York Times écrira alors que selon ses estimations, la traversée de l’Atlantique en avion nécessitera au moins un siècle et le savoir-faire des années 2000. Il faudra à peine une décennie pour voir les Britanniques John Alcock et Arthur Brown rallier, sans escale, l’Irlande depuis la Terre-Neuve. Un exploit réitéré par Charles Lindberg sur un Paris – New-York les 20 et 21 mai 1927. Puis le Concorde en 70 bouclera l’histoire en 3h30. De nos jours, ce trajet aérien n’a rien d’étonnant. Mais surtout, l’avion s’est miniaturisé et équipé d’une caméra capable de prendre des photos. Les drones permettent de s’envoler tout en restant les pieds sur terre.
Notre voyage s’arrête. Nous aurions pu évoquer le scooter électrique et ses accélérations de voitures téléguidées ou encore le vélo cargo, plus proche de l’escargot avec sa maison sur le dos. Ou bien le Longtail et la possibilité de transporter ses enfants derrière et un E.T dans le panier, devant.
Il n’y a jamais eu autant de solutions de mobilité qu’aujourd’hui et elles sont toutes accessibles au commun des mortels. On ne se déplace alors plus seulement par besoin, mais par plaisir. On ne choisit pas un camp, mais plusieurs styles. On ne change pas par nécessité, mais par envie de nouvelles expériences. Les faits divers tentent de rappeler que tout ceci est dangereux. Mais le nom est mal choisi, car le fait d’hiver se fait souvent discret jusqu’à l’été. En cette fin d’année, il est temps d‘un peu profiter. La vie est trop courte pour se contenter d’engins ennuyeux.
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