AccueilVélo électriqueIl y a 100 milliards à se faire avec le vélo, alors on se lance ?

Il y a 100 milliards à se faire avec le vélo, alors on se lance ?

On nous a menti. Ce « on », c’est l’industrie du cinéma. On nous a vendu la pandémie comme la base d’un futur dystopique, à coups de véhicules blindés et de guerres pour choper de l’eau potable. Dans les faits, la pandémie a été une longue période d’ennui, doublée d’un futur au prix d’un rouleau de papier toilette triplé. On nous a aussi fait croire que les voitures voleraient, avec des ordures pour carburant. Dans les faits, la DeLorean est un vélo, les ordures sont des batteries (couplées à vos jambes). Moins radieux, l’avenir ? « Oh que non ! » crie le cabinet McKinsey !

Franchement, c’était logique. Après plusieurs mois à éviter tout contact avec des proches, personne n’avait envie de partager un espace très clos et mal ventilé avec des inconnus dans les transports en commun. Le vélo est apparu comme une évidence : financièrement accessible, pratique et fiable. Fiable à l’usage et fiable pour le temps de trajet. Puis le vélo, c’est chouette, ça file le sourire, ça fait bosser le cardio. Il n’y a même pas besoin d’être écolo pour rouler à vélo !

À cette euphorie s’est ajouté le développement d’une politique RSE : la Responsabilité Sociétale des Entreprises. La devise « Aimez vos employés et sauvez le monde » s’est rapidement transformée en « voici un nouveau levier financier pour investir en limitant les risques ». N’importe quelle idée un tant soit peu axée sur le développement durable pouvait soudainement devenir un moyen de frimer sur LinkedIn, à coups d’autocongratulations, de martingales économiques et de « levage de k€ ». Le tout avec des félicitations à base de smileys sous les posts. On n’est pas loin d’un Walking Dead dans lequel vous finiriez en couverture de Forbes pour avoir loué des zombies nettoyeurs de maisons et porteurs de courses.

Et pour parachever tout ça, la politique s’en est mêlée, à coups de subventions. Ce n’est pas simplement vous qui achetez un vélo, c’est l’ensemble des contribuables qui contribue, c’est le cas de le dire, à l’acquisition de votre biclou. Une vanne fermée en décembre par le gouvernement qui cherche à économiser des bouts de chandelles plutôt qu’optimiser l’usage des ampoules LED.

Toutes les idées les plus folles autour des mobilités ont explosé. Et pas qu’un peu ! Logique quand votre clientèle potentielle explose. D’autant qu’il est moins question de fanatiques en cuissards tapant des records sur Strava que d’actifs lambda souhaitant arriver au travail à l’heure sans sentir le fennec mouillé. Alors, il a fallu miser sur des vélos et autres engins adaptés aux déplacements urbains. Le vélo à assistance électrique est devenu le nouvel Eldorado. Et comme dans la Ruée vers l’or, cela a fait la fortune des vendeurs de pioches.

Des vélos de toutes sortes ont vu le jour, permettant à tout un chacun de lancer sa propre marque de vélo. N’importe quel concept devenait une potentielle machine à cash. Même sans concept, d’ailleurs.

Mais, toute bonne chose a son corollaire, et le marché a été bouleversé, pour le plus grand bonheur des marques historiques. Angell Bikes ajoute une stèle à un cimetière déjà bien rempli. Kiffy, Flyer, Mate Bike, Gleam, Minerva, Alesa, Timyo, Montego, BeOne, Fuell, Cake… la liste est longue comme un jour sans frein. Giant Bikes, le géant (c’est le cas de le dire) taïwanais, a vu ses chiffres de vente s’écrouler, au point de revoir drastiquement à la baisse ses prévisions.

Ce cimetière est également peuplé de revendeurs comme Chain Reaction, Bikester et le fameux Probikeshop. Les sociétés de vélos en libre-service ont, elles aussi, mis la clé sous la selle : GreenMo est out aux Pays-Bas et Swapfiets, qui propose ces vélos à la roue bleue, est dans le rouge, heureusement aidé par un gros groupe.

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Dès lors, le marché paraît bien sombre. Pourtant, le ciel continue de briller par endroits. De gros endroits même. Ainsi, les ventes de vélos sont revenues à leur niveau pré-COVID, mais entre-temps, c’est toute une nouvelle clientèle qui s’est équipée et a adopté de nouvelles habitudes. Pédaler le matin pour se doucher dans l’entreprise n’est plus une aberration. Les mœurs ont changé.

Alors certes, investir dans des start-up propriétaires est toujours un coup de poker, mais c’est aussi un moyen de voir de nouvelles technologies émerger. Elles sont le point de départ des habitudes de demain. Et si Angell a fait peur, d’autres progressent. Moustache, constructeur vosgien, a désormais une belle réputation dans le domaine du cycle, au point d’avoir lancé le Moustache J, le vélo le plus confortable du marché. Pinion et ses boîtes de vitesses pour vélo ont séduit Bombardier Recreational Products (la maison mère de Can-Am), devenu actionnaire majoritaire. Anod, boîte française, tente de troquer les batteries contre une technologie à base de supercondensateurs. Et ce, sans compter les vélos cargos et leurs multiples déclinaisons. Ajoutez-y les grandes enseignes ayant leurs propres modèles comme Decathlon ou Intersport (qui fait briller La Manufacture du Cycle depuis son rachat en 2013), ou encore ces entreprises de vélos cargos comme Tern ou Douze Cycles (une petite boîte française suffisamment sérieuse pour motiver Toyota à poser son nom sur l’un de leurs modèles).

Accell Group (Haibike, Winora, Ghost, Batavus, Koga, Lapierre, Raleigh, Babboe), pourtant à l’agonie, a changé de direction et envisage enfin une éclaircie.

Et cette lueur ne brille pas que d’espoir.

En juin 2024, McKinsey a publié une étude qui révèle que le marché du vélo électrique est la principale catégorie de micromobilité en Europe. Il représente aujourd’hui près de 37 % du marché européen. Cette part devrait passer à 50 %, pour une valeur totale de plus de 100 milliards d’euros au cours de la prochaine décennie, soit avant 2035.

Et forcément, un gâteau de 100 milliards donne à tout le monde l’envie de croquer une part.

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