Pour diverses raisons et notamment parce qu’il s’adresse potentiellement à tous dans l’entreprise, le vélo de fonction décolle en France. À la tête de la jeune société Tandem, Arthur de Jerphanion répond à nos questions sur le sujet.
De plus en plus de contraintes pèsent sur les entreprises pour présenter un bilan carbone à 360 degrés de plus en plus léger. Le calcul comprend aussi les déplacements domicile-travail des salariés. Sur son site Internet, Tandem explique que remplacer une voiture pour effectuer 10 km par jour aller-retour permet d’éviter annuellement de libérer dans l’atmosphère 700 kg de CO2. Multiplié par le nombre de collaborateurs, le volume peut devenir très important.
Ce n’est toutefois pas le seul bénéfice, car mettre en place un tel avantage crédite les employeurs d’une image jeune et ouverte au bien-être en interne. Ce qui fait parfois la différence à l’heure de décrocher des talents rares sur le marché. Dans son argumentaire, Tandem rapporte une observation du Medef qui estime à un gain de 9 % en moyenne la productivité des vélotafeurs.
Fiscalement, le gouvernement favorise cette tendance. « Dans la majorité des cas, l’employeur prend à sa charge 70 % du loyer pour un vélo. Grâce à la loi Lom, 25 % de cette part peut être défiscalisée. Ainsi, pour 100 euros de location, une entreprise prend 70 euros à sa charge, mais ne supporte réellement que 52 euros. Ce qui permet de réduire l’impôt sur les sociétés, sans charges sociales supplémentaires », explique Arthur de Jerphanion, cofondateur et président de Tandem, en charge du marketing et de la finance.
Pour Tandem, mais aussi pour nombre de pratiquants aujourd’hui, utiliser un vélo afin de se rendre sur son lieu de travail permet d’éviter le stress des transports en commun et celui des embouteillages. Avec un modèle électrique, l’exercice physique est suffisant pour parvenir à destination en meilleure forme et sans transpiration excessive : « Tandem propose aussi bien des vélos musculaires que des modèles électriques, mais 95 % des demandes portent sur des VAE ».
Nous n’en sommes plus à l’époque où ces deux-roues étaient considérés comme des vélos pour les personnes âgées ou à la santé fragile : « Pour un usage quotidien, une fois qu’on a essayé un vélo électrique, c’est magique. Parmi les salariés auxquels nous fournissons un VAE exploité en semaine, certains sont des sportifs qui ont leur propre vélo classique qu’ils utilisent le week-end ».
Par ailleurs, il est possible de considérer l’adoption du vélo de fonction comme un acte militant au titre de la mobilité durable. De quoi aussi faire bouger les municipalités en ce sens.
La startup est également portée par Nicolas Delcourt, second cofondateur, qui assure le rôle de directeur général et s’occupe des opérations juridiques. « Président ou directeur général, c’est quasi similaire pour nous. En 2020, année de création de Tandem, nous sommes partis du constat simple selon lequel la première source d’émission de CO2, c’est le transport, avec pour moitié la voiture individuelle. Alors que beaucoup de salariés résident à moins de 10 km de leur lieu de travail, sans moyens de transport en commun », souligne Arthur de Jerphanion.
Dans une précédente vie professionnelle, ce dernier disposait d’une voiture de fonction : « Elle restait plus de 90 % du temps sur le parking. J’avais même déjà pris l’habitude de venir au bureau à vélo. Pour les salariés qui prennent les transports en commun, le remboursement d’une partie des frais est institutionnel. Il n’existait rien entre eux et ceux qui bénéficient d’une voiture en raison de fonctions plus élevées ».
C’est en regardant ailleurs que le binôme a dessiné un projet devenu réalité commerciale : « Nous avons étudié ce qui se fait dans d’autres pays, comme la Belgique et l’Allemagne, mais aussi la Finlande et le Royaume-Uni. Nous avons cherché à lever en France les freins pour développer le vélo de fonction ».
La clientèle de Tandem est aujourd’hui déjà bien diversifiée : « Nous comptons plus de cent entreprises. Parmi les plus connues : Kronenbourg, Amadeus, Doctolib, M6, le Crédit Agricole, etc. Egalement des TPE et PME d’une cinquantaine de salariés. Nous avons vocation à nous étendre dans des zones périurbaines, voire rurales. Notre offre a un taux de pénétration d’autant plus fort que les transports en commun sont inexistants ou peu adaptés ».
L’entreprise intervient dans toute la France : « Globalement, notre présence se lisse au niveau national. Nous avons une belle implantation dans l’Est, notamment dans la zone de Strasbourg. Le développement des réseaux cyclables incite les salariés à se mettre au vélo. Nous sommes aussi bien présents en région parisienne. Beaucoup moins en revanche sur l’axe Aix-Marseille où les collectivités sont moins porteuses. Ça débute, mais ça reste plus timide ».
Des vélos, mais avez-vous aussi pensé aux trottinettes électriques ? « Il n’en a jamais été question. Déjà en raison de la sécurité. Les entreprises sont garantes de la sécurité de leurs salariés. La pratique de la trottinette électrique est plus risquée que de faire du vélo. Et l’on perdrait la dimension exercice physique qui est importante dans l’adoption des VAE ».
Gitane, O2feel, Voltaire, Cyclick, Yuba, Eovolt, etc. : Ces noms ont un point commun : « Nous ne travaillons qu’avec des marques françaises. C’est un point important pour nous, car nous tenons à encourager le réindustrialisation dans l’Hexagone. Dans notre catalogue, nous proposons des modèles urbains, connectés, pliants, familiaux pour transporter un ou deux enfants à l’arrière, et des VTC ».
Une belle diversité ! « Oui, mais pas trop, pour que les salariés ne soient pas perdus. Les Français ne sont pas forcément bien au fait de ce qui existe en matière de VAE. Nous avons donc choisi les modèles que nous considérons les meilleurs pour les guider. Ce qui ne nous empêche pas de continuer à faire évoluer le catalogue ».
Certaines catégories rencontrent davantage de succès : « Les plus demandés, ce sont les VTC, car ce sont des modèles hybrides pour la ville et les chemins. Leur modularité d’emploi explique l’intérêt qu’ils suscitent. Nous avons aussi remarqué la grande démocratisation du cadre ouvert qui convient aussi bien aux hommes et aux femmes ».
Les vélos pliants apparaissent quant à eux incontournables : « Ils pèsent 10 % de nos volumes, et sont employés pour les trajets multimodaux. Par exemple pour parcourir 3 km afin de se rendre à la gare et autant à l’arrivée. Entre les deux, il est replié et embarqué dans le train ou le RER ».
Pour 20 à 30 euros par mois, le salarié dispose d’un service très complet : « Le vélo est assuré et entretenu tous les neuf mois au pied des bureaux. Des partenaires ou des personnes de Tandem changent s’il le faut les pièces d’usure, comme la chaîne. Le loyer comprend un équipement de base convenu avec l’employeur, avec, par exemple, un casque, un gilet jaune, des sacoches ou un panier, etc. ».
Chaque collaborateur peut aussi demander des articles supplémentaires à sa charge : « Il le conservera même après avoir restitué le vélo. Nous donnons un code promotionnel pour les équipements proposés par l’entreprise Je suis à vélo. En revanche, nous fournissons un antivol U Abus, qui repousse au maximum le vol. Il faudrait une disqueuse pour l’attaquer ».
Arthur de Jerphanion a remarqué qu’une des plus grosses craintes des salariés, c’est justement le vol du vélo : « Les statistiques montrent que dans 80 % des cas, c’est parce qu’il est mal ou pas attaché. Quand nous remettons le vélo en main propre au salarié, nous prenons un petit temps de formation sur le sujet avec des conseils pour bien sécuriser le vélo en ville, en le déposant dans un endroit visible et éclairé la nuit. Avec notre assurance, s’il est volé, il est remplacé ».
Deux scénarios pour passer au vélo de fonction avec Tandem : « Nous constatons une dynamique de plus en plus importante de la part des entreprises qui nous contactent d’elles-mêmes en nous disant : ‘Nous avons envie de mettre cela en place chez nous, comment pouvez-vous nous aider ?’ Ce sont souvent les responsables RSE [NDLR : Responsabilité sociétale des entreprises] ou des RH [NDLR : Relations humaines] qui nous joignent, parfois sous l’impulsion des dirigeants. Nous continuons aussi notre travail de prospection ».
La présentation du vélo de fonction aux salariés peut prendre également deux formes : « Nous préférons venir sur place avec une flotte représentative de vélos que les gens peuvent essayer. Ce que beaucoup de Français n’ont pas encore eu l’occasion de faire. L’autre approche est digitale, à travers un webinaire. Il peut être suivi en même temps depuis les différents sites d’une entreprise répartis en différents coins de France ».
Deux profils principaux se distinguent parmi les salariés : « Il y a ceux qui sont très enthousiastes, car ils ont déjà envie depuis plus ou moins de temps de passer au vélo électrique, mais ne l’ont pas fait à cause du prix et des risques de vol. Et puis il y a ceux qui sont frileux, hésitants, craignant de ne pas savoir en faire ».
Le vélo choisi par chacun des salariés doit être adapté à sa morphologie : « C’est pourquoi nous demandons leur taille au préalable pour proposer une sélection adaptée avec un cadre compatible. Lors de la livraison, nous effectuons le réglage de la hauteur de selle et du guidon ».
Le déroulement des Jeux olympiques en France pourrait bien être une aubaine pour Tandem : « Nous espérons que les JO vous amener les Français à se questionner sur leur pratique du sport et à en profiter pour changer leurs habitudes de mobilité au quotidien. J’aimerais que la pratique du vélo soit perçue comme un véritable levier pour cela ».
Cleanrider et moi-même remercions beaucoup Arthur de Jerphanion pour le temps pris à répondre à nos questions et à nous présenter les enjeux du vélo de fonction.
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