La quarante-cinquième édition du festival Trans Musicales s’est déroulée à Rennes du 6 au 10 décembre. Une des nouveautés de 2023, c’est le partenariat avec l’équipe de Rennes du Compost pour collecter les biodéchets dans de grandes remorques tractées par des vélos à assistance électrique. Le volume recueilli a été partagé à parts égales pour alimenter deux processus : compostage et méthanisation.
Glowal, Concombre, Diskopunk, Fran Vasilic, Gwenifer Raymond, Kabeaushé, Julian Mayorga, Nusha, Monikaze, Paulete LindaCelva, Audrey Danza, Bambie Thug, etc. : combien de ces artistes connaissez-vous ? Les Trans Musicales leur offrent une scène pour gagner du public. Ils sont touchants ou déroutants, allumés ou sages, solo ou en groupe.
Venant d’horizons très divers comme l’Australie, le Pays de Galles, l’Iran, la Croatie, la Malaisie, le Brésil, la Suède, la Géorgie, l’Italie, la Roumanie, la Suisse, le Sénégal, le Maroc, les Etats-Unis, la France et d’ailleurs encore, ils proposent une très large plage d’ambiances où l’audace fait souvent toute la différence.
Plus de 50 000 festivaliers sont venus écouter et découvrir ces talents en devenir. De quoi faire déborder les poubelles. En 2023, ce ne sont pas encore leurs déchets qui ont été récoltés par les vélos de Rennes du Compost. « Il n’a pas été possible de mettre en place cette année l’affichage nécessaire pour le tri sélectif des festivaliers. C’est une année de test pour nous qu’il était important de vivre sans trop se mettre de pression. En revanche, les trois semaines qui ont précédé la programmation, nous avons collecté de l’ordre de 1,5 tonne de biodéchets », évalue à la louche Sophie Gimenez.
Notre interlocutrice est l’une des trois cofondatrices de Rennes du Compost : « Avant de créer l’association en février 2021, nous étions trois collègues et avions envie de changer de voie professionnelle. Je suis très vélo et m’intéresse beaucoup à la mobilité douce. Hélène est très orientée nature. Nous avons suivi une petite formation en cycloentreprise. Il y avait déjà en France des gens collectant les biodéchets avec des vélos, mais apparemment pas à Rennes ».
Une impression à se faire confirmer auprès des acteurs de la métropole : « Dès le début, nous les avons contactés et leur demandant : est-ce qu’un tel service existe déjà sur le territoire ? Si non, est-ce pertinent d’en développer un ? Est-ce qu’ils nous aideraient ? Sans nous soutenir directement financièrement, ils ont été bienveillants ».
Rennes du Compost s’est constitué une équipe et une flotte pour la collecte : « Nous avons avec nous un alternant et un salarié à mi-temps. Pour la collecte des biodéchets, nous employons trois vélos électriques et autant de remorques. Nous sommes passés par l’entreprise locale Toutenvélo basée à Rennes ».
À la base, Toutenvélo est un projet coopératif de cyclologistique qui s’inscrit à la fois dans l’économie sociale et solidaire et la transition écologique. Le concept se développe en freechises dans l’Hexagone. Fondé en 2012, la SCIC poursuit plusieurs missions, pour lesquelles elle tient, entre autres, trois rôles complémentaires : « logisticien, fabricants de remorques, et revendeurs de vélos cargos ».
L’équipe de Rennes du Compost a été active dans la constitution de sa flotte : « Nous avons commencé avec le modèle Veloe typé urbain. Nous ne souhaitions pas un VTT, mais un modèle facile à enfourcher, notamment par les personnes de petite taille. Nous voulions une béquille centrale et la possibilité de monter des sacoches. Le Veloe fait le job, mais il a ses faiblesses pour notre usage. Il se montre moins performant quand la matière dans la remorque dépasse les 150-200 kg ».
La charge utile dans cette dernière est de 300 kg : « C’est pourquoi, en concertation avec Toutenvélo, nous sommes passés au vélo électrique Riese & Muller Multicharger plus adapté. Nous gagnons avec lui de l’ordre de 10 km d’autonomie. Très dépendante du poids dans la remorque, elle est en moyenne de 40 km, contre 30 avec le Veloe dans les mêmes conditions ».
Rennes du Compost a dessiné ses tournées : « Nous sommes totalement indépendants dans notre activité. Nous avons formé des circuits cohérents en fonction de nos clients et de la fréquence de collecte désirée. En centre-ville, les tournées n’excèdent pas 15-20 km. En dehors, la boucle peut s’étendre à 30-35 km. Ce qui est à la portée du Riese&Muller Multicharger après une recharge complète de sa batterie ».
La liste des clients de l’association s’allonge : « Ils sont 85 aujourd’hui, et nous comptons trois nouveaux entrants par semaine. Nous ne faisons plus que répondre aux demandes et n’avons plus besoin d’effectuer de la prospection à ce niveau. Au début, la clientèle était essentiellement composée de bars, restaurants, épiceries, hôtels. Depuis, nous avons accueilli des entreprises. Ces deux sources s’équilibrent aujourd’hui ».
Que trouve-t-on dans les biodéchets collectés en entreprise ? « C’est, par exemple, du marc de café, des épluchures et les restes des repas des salariés. Un centre de soin et la faculté de médecine de Rennes font partie de nos clients ».
Souhaitant verdir la manifestation, l’équipe des Trans Musicales a naturellement contacté Rennes du Compost : « C’est leur chargé RSE qui nous a sollicités. Les organisateurs voulaient valoriser leurs biodéchets. Nous avons aussi été approchés pour le même projet par GRDF qui cherche à toucher le secteur de l’événementiel pour la même raison et produire du gaz vert. Nous avons travaillé tous ensemble pour mettre en place la collecte ».
Au départ, le volume à prendre en charge avait été évalué à deux tonnes : « Nous n’avons pas eu encore l’occasion de nous réunir à nouveau, mais a priori nous serions plutôt aux alentours de 1,5 tonne de ‘catering’. Nous avons pris en charge les déchets de préparation, dont les épluchures, et les restes des repas cuits réalisés pendant les trois semaines où les techniciens ont travaillé en amont du festival lui-même ».
Pendant cette période, tout ces déchets ont été collectés avec des vélos électriques par Rennes du Compost : « Nous avons livré la moitié du volume chez un agriculteur de Noyal-Châtillon pour méthanisation, et nous avons traité la part restante par compostage, comme nous le faisons habituellement ».
Pour Sophie Gimenez, « cette première expérience avec les Trans Musicales est 100 % réussie. Nous espérons continuer l’année prochaine ce partenariat en étendant la collecte aux biodéchets des festivaliers, tout en craignant que le tri ne soit pas bien effectué. Nous risquons de trouver, par exemple, des emballages mêlés aux matières organiques ».
Nous avons demandé son avis sur le sujet à Baptiste Orinel, responsable de la communication pour les territoires Centre-Ouest chez GRDF : « Nous avons déjà collecté les biodéchets pour d’autres festivals. Il y avait effectivement des éléments à retirer avant la mise en méthanisation. Une personne était chargée du tri, ce qui se faisait bien ».
Diviser la collecte en deux parts n’a pas été un problème pour Rennes du Compost « en raison d’un volume conséquent à traiter ». Pour notre interlocutrice, « transporter les biodéchets avec des vélos électriques plutôt qu’avec un camion est très opportun pour un événement comme les Trans Musicales ».
L’association dispose d’un terrain pour le compostage : « Cet espace s’étend sur environ 1 000 m². Il nous est prêté par l’association Le jardin des mille pas, qui pratique l’agroécologie et la permaculture. En échange, nous leur fournissons du compost. Les boucles d’économie circulaire, c’est dans notre ADN. Nous souhaitons créer des partenariats et développer de la ressource sur le territoire ».
Un autre exemple, géographiquement accolé : « La Basse Cour est une ferme guinguette. Elle nous prête un local qui sert de lieu de stockage à nos clients livrant eux-mêmes leurs biodéchets. Là aussi, en échange, nous fournissons du compost. Il est exploité pour faire pousser des légumes utilisés pour la restauration. Nous récupérons ensuite les restes que nous compostons. C’est un cercle vertueux qui marche très bien ».
Rennes du Compost espère trouver un nouveau terrain pour développer son activité : « Nous souhaitons mettre en place le compostage en andain. Il s’agit d’une grande ligne de traitement d’un mètre de haut et autant de large pour aérer la matière. Une mécanisation du processus qui nous permettrait de conserver une taille humaine ».
Quelques collectivités figurent parmi les clients de Rennes du Compost : « Ce n’est pas pour la collecte, mais pour la fourniture de notre compost qui est utilisé dans les bacs potagers des écoles ».
L’association développe également une activité pédagogique : « Nous sensibilisons le personnel des entreprises partenaires autour de la thématique du compostage. Nous souhaitons également intervenir dans les écoles à ce sujet. C’est une de nos stratégies de développement. Nous commençons à solliciter les établissements scolaires pour nous faire connaître comme organisme agréé ».
Le curseur devrait même être poussé encore un peu plus loin sur l’échelle de la transmission du savoir : « Nous aimerions proposer un espace pédagogique pour accueillir. Nous avons aussi des perspectives pour dispenser une formation en maître composteur. Nous répondrions alors à des marchés publics au sujet du compostage partagé ».
Cleanrider et moi-même remercions beaucoup Sophie Gimenez pour le temps pris à répondre à nos questions.
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