Nos confrères de chez Automobile Propre ont lancé un pavé dans la mare en demandant si la voiture électrique avait tué le plaisir de conduire. Nous avons donc outrageusement repris leur idée, mais avec une question visant plus large : l’emploi de la technologie électrique a-t-elle tuée le plaisir de se déplacer ?
Nous sommes humains et par conséquent, en dépit de la recherche de la perfection, nous nous attachons aux défauts. L’odeur et le bruit de l’automobile sont devenus symboliques au point d’être revendiqués comme des qualités. Mais concernant le vélo, la trottinette et les mobilités d’ordre général, sommes-nous face au même constat ?
Certes, nous apprécions nous faire assister électriquement en roulant à vélo, par exemple, mais prenons-nous alors réellement plaisir à en faire, du vélo, ou est-ce simplement le plaisir d’être déplacé ? Sans l’effort, sans la contrainte, sans la satisfaction d’avoir réussi à lutter contre nous-mêmes et surtout contre la gravité. Recevons-nous cette petite dose de dopamine si agréable ?
Et si l’aide électrique nous avait enfermés dans une cellule ? Quel vélotafeur (et quelle vélotafeuse) utilisant un VAE se force à rouler sans assistance, sauf les fois où il (ou elle) se retrouve sans batterie ? Une situation qui fait pester contre l’engin d’ailleurs. Qui choisit les 25 minutes de marche aux 4 minutes de trottinette lorsque le choix se présente et que le temps est précieux ? D’ailleurs, si nous ne courrions pas après lui, aurions-nous envie d’être aidés ?
L’électrique nous a rendus partisans du moindre effort, en nous offrant systématiquement sur un plateau, et pour une poignée d’euros, la solution de facilité. L’électrique nous a placés le monde à portée de main, pour quelques centimes de recharge. Mais, à travers cette commodité latente, cette technologie a travesti le plaisir d’exécution, de la contrainte, de l’effort, du côté perfectible du trajet comme du voyage pour quelque chose sans saveur, fonctionnel, pratique. La simplicité de se mouvoir en ville est bien là, mais elle délivre un plaisir neutre, sans caractère et artificiel. Carrément !
En voilà un raisonnement stupide, n’est-ce pas ? Car tant qu’à faire, autant revenir au lavoir, au chauffage de l’eau pour le bain, à la gestion des bougies pour la lumière et puis oublier l’ascenseur pendant que nous y sommes. Sans évoquer les transports et les outils de communication. S’opposer à la facilité apportée par l’électrique ne fait pas sens. Cela revient à s’opposer au choix. Libre à chacun de faire la bise au progrès, plutôt que de l’embrasser langoureusement. Mais, les bienfaits sont réels sinon pourquoi l’humain aurait autant évolué ?
Il y a pourtant bien un problème qui existe. Et, il vient de la raison des choix de consommation. Ainsi, les vélos ont pris du poids et pas uniquement à cause des cyclistes s’étant gavés pendant les repas de fêtes. C’est qu’il faut bien 80 km d’autonomie pour se mouvoir quotidiennement…
Il est aisé de voir un nouveau marché pris d’assaut par des aspirants à une part du gâteau. Avec les leviers modernes, ce marché est saturé en un rien de temps. Pour se démarquer, une guerre des prix éclate et, qui dit prix, dit rapport prestations-prix. C’est là que se situe le problème. Problème accentué par les décisions gouvernementales. Car les consommateurs n’achètent pas ce qui leur convient, ce qui leur fait plaisir, mais ce qu’on leur dit d’acheter, même si ça ne convient pas à leurs besoins et qu’importe si l’achat leur procure un minimum de plaisir.
Nous achetons des fiches techniques. Qu’importe si nous n’utiliserons jamais ces options ! L’idée du « qui peut le plus, peut le moins », oubliant que le plus a un coût autant qu’un poids. Oubliant qu’à prix équivalent ce « plus » de fonctions se solde bien souvent par une fabrication en retrait. Le rapport fonctionnalités-prix occulte la notion de qualité. Combien de personnes n’utilisent que les fonctions basiques de leur vélo ? Combien d’automobilistes désactivent les options au démarrage et ne règlent jamais le moindre profil ? Combien de personnes n’utilisent qu’un ou deux modes de lavage sur l’ensemble des fonctions de la machine ?
Quant à la mobilité, ce qui nous intéresse aujourd’hui : combien d’utilisateurs utilisent pleinement les fonctions connectées de leur vélo, trottinette et autre scooter ou ont besoin d’un énorme moteur pour supporter l’énorme poids de l’engin ?
Parfois, la simplicité l’emporte. Un vélo qui roule et qui assiste, sans écran, sans compteur. Avec ce qu’il faut d’éclairage et ce qu’il ne faut pas de poids. Un vélo qui file la banane lorsqu’on roule avec. Une trottinette compacte, légère qui fait 10 km à 25 km/h est suffisante pour qui en a 8 à parcourir. Une trottinette qui se plie en 3s, se porte sans difficulté à bout de bras et peut se faire discrète chez soi ou dans un wagon.
À vouloir une surabondance d’options inutiles, nous nous retrouvons frustrés de posséder quelque chose que nous n’utilisons jamais. La dopamine fait place au regret, puis à la lassitude, cultivant l’envie de changer, tandis que nous, humains, sommes des machines à désirer.
Ce n’est pas la technologie électrique qui a tué le plaisir de se déplacer, mais sa surabondance uniformément imposée, en métamorphosant le désir en liste de caractéristiques. La solution est alors de rogner sur l’excédent au profit d’un peu plus de justesse dans le choix, ce qui engendrera, par voie de conséquence, un peu plus de plaisir, et donc de joie.
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Vélo électrique15 novembre 2024
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