Le marché du vélo, après une période de croissance exceptionnelle portée par l’après-pandémie, qui aura au moins eu ça de positif, subit actuellement un retour à la normale marqué par des fluctuations significatives. En 2023, les ventes de vélos neufs ont chuté de 14 % par rapport à l’année précédente, avec seulement 2,2 millions d’unités vendues. Alors, les acteurs ont prié pour 2024, mais c’est encore pire. Et visiblement, ça va durer au moins jusqu’en 2026… Qui aurait pu prévoir que la frénésie du deux-roues ne durerait pas éternellement ? Oh, tout le monde, probablement. Et la suite s’annonce encore pire.
Les choses ont commencé comme un film de Noël. L’après-COVID a offert des routes vides aux cyclistes, tant confirmés que novices dans le domaine. Les magasins ont été pris d’assaut. Les analystes se sont enflammés. Ajoutez des banques frileuses à prêter des sous et vous obtenez une débauche de financements privés. C’est ainsi que se sont dessinées les prémices de cette descente aux enfers. L’après-COVID a généré des dépenses conséquentes pour remplir des stocks vidés trop rapidement. Les coûts des vélos en ont fait les frais (sans jeu de mots). Mais pas que… Car il fallait également honorer les investisseurs rapidement, les analyses misant sur le court terme. Alors, il a fallu augmenter les prix. Pour les justifier, un festival d’innovations, plus ou moins utiles. Les fournisseurs, de leur côté, ont également eu les yeux plus gros que le ventre, jusqu’à annoncer en « off » qu’il « faudra bientôt vendre des vélos à 5000 euros ». Certes, mais à qui ?
Car un vélo à 5000 euros n’a rien d’exceptionnel dès lors qu’il vise la performance. Pour un vélo utilitaire, en revanche, c’est une autre histoire. Qui a envie de s’endetter sur plusieurs mois pour un vélo qui, soyons honnêtes, finira peut-être chez quelqu’un d’autre à son insu ? Ou terminera dans un garage, enchaîné, car finalement, les transports en commun ne sont pas si mal. Puis, l’e-mail de l’entreprise demandant de laisser le vélo dehors, à la merci du premier voleur venu, a refroidi bon nombre de nouveaux cyclistes pourtant bien motivés.
Ajoutez la multiplication des propositions sur le marché, des services alternatifs de location ou d’occasion et vous obtenez un choix assez gargantuesque pour y perdre votre client.
Il y a toutefois des arguments marketing forts, comme la fabrication en France ou la boîte de vitesses automatique. Pour des véhicules qui ont toutes les peines du monde à être emmenés au-delà des 25 km/h, c’est cocasse. Quant au patriotisme, si 67 % des Français sont enclins à payer 7,60 euros de plus pour un t-shirt fabriqué en France, ils sont nettement moins capables d’ajouter 1000 euros sur la facture d’un vélo fabriqué localement.
De l’autre côté, le vélo musculaire, lui, redevient une bonne idée. À quoi bon se traîner de coûteuses et lourdes combinaisons de moteur et batterie, si c’est pour évoluer sur du plat pendant une poignée de kilomètres ? Autant opter pour un vélo trois fois moins cher qui rend le même service.
À tout ceci s’ajoute la fameuse vallée de la mort, qui martyrisent certains acteurs et en extermine d’autres. . Les clients sont équipés et n’ont pas envie d’en changer. Dans ce cas-là, il faut revoir sa stratégie pour tenter d’acquérir de nouveaux clients, différents des premiers. Des clients dont le frein principal à l’acquisition d’un vélo est souvent la peur d’en faire au milieu d’autres véhicules, ou le prix, trop élevé pour l’usage qu’ils en auront. Un usage qui serait plus intense, motivant à une dépense plus importante si… les infrastructures étaient viables.
Ça commence à faire beaucoup de complications, pour ce business du cycle. Mais c’était sans compter sur le coup de grâce du gouvernement. Une vraie Fatality à la Mortal Kombat, un final à la Braveheart. Ainsi, nos élus ont décidé d’abandonner le plan vélo, laissant les 400 dossiers de collectivités locales et communes dans un congélateur. On voudrait tuer le marché du vélo qu’on ne s’y prendrait pas mieux !
Et la raison est très simple.
À la sortie du COVID, c’était Yolo, comme le disent les jeunes un peu moins jeunes. Il y avait des voies cyclables improvisées, de la place, un engouement et une effervescence. Désormais, le partage de la route n’a plus du tout la même saveur. Il est devenu un enfer, un vrai. Il ne s’agit plus d’accidents, tristes, mais qui arrivent. Il s’agit d’agressions, de prises de risques et d’impunité. Rouler à vélo est dangereux, au même titre que de rouler à moto. Les rares aménagements sont trop souvent réalisés à l’arrache, sans réflexion aucune. Le climat ambiant jouant sur l’ambiance climatique use d’un ton accusatoire et culpabilisant, accentuant le clivage entre motorisés et cyclistes. Deux mondes s’entrechoquent dans une anarchie évidente.
Or, le plan vélo avait pour objectif justement de financer la conception d’infrastructures réfléchies et adaptées, afin de mettre un peu d’ordre et de permettre aux différents usagers de cohabiter. Le meilleur moyen de vendre des vélos n’est-il pas de donner envie aux gens d’en faire ?
Visiblement non. Dommage, le plan vélo est vu comme une dépense par l’État, plutôt qu’un investissement rentable sur le moyen et le long terme.
Il reste à espérer que la décision soit réévaluée rapidement. Faute de quoi, le marché du vélo et tout ce qu’il apporte de positif risquent de disparaître, effaçant le seul aspect positif laissé par la pandémie.
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