Il transporte toutes sortes de marchandises, des courses de la semaine aux gamins allant à l’école. Autrefois signe de bobo écolo qui s’ennuyait de son confort, il conjugue l’efficacité du vélo et l’aspect pratique de la voiture. Et si le vélo cargo était la licorne des villes ?
Il y a 10 ans, tout le monde se fichait royalement du vélo cargo. Un gros vélo, lourd, encombrant, qui coûte le prix d’une moto ou d’un scooter pour emmener deux gamins à l’école, ça fait cher le voyage. Quand on lâchait « cargo » à nos amis, ils pensaient à ces containers en métal qui trônent sur les camions. Aujourd’hui, ils imaginent d’emblée un biporteur design ou un longtail surboosté garé devant la crèche, avec généralement un actif CSP+ bossant dans la com au guidon. C’est un cliché. Il y a aussi des avocats parisiens, des enseignants, des chômeurs et des parents qui n’ont pas le budget d’une seconde voiture.
Et pour cause, les choses ont changé. Le prix des voitures a explosé, tant en neuf qu’en occasion. Le marché de l’automobile avance comme un coq sans tête, les politiques utilisent un baromètre Twitter pour définir les lois à appliquer aux constructeurs et, dans un élan écolo assez hypocrite, la voiture est devenue l’objet du diable responsable de tous les maux de la terre. Tels des enfants, les adultes lancent désormais le fameux « méchante la voiture, méchante ! » en oubliant qu’ils sont à l’origine du système qui l’a mise sur un piédestal. Cela a poussé les gens à garder leur destrier à 4 roues le plus longtemps possible. Et pour le soulager, il fallait un véhicule utilitaire. C’est là que le cargo s’est immiscé sournoisement dans le quotidien des habitants intramuros, de la petite et de la moyenne couronne des métropoles.
Ce qui était autrefois un signe de contestation du système à la sauce écologique est devenu un acte malin et pratique.
Mais le militantisme n’a rien d’un insight « bankable ». Les industriels veulent palper des euros et ça tombe bien, il y a tout un marché en pleine ascension. Le cargo est ainsi passé de 50 000 unités vendues en Europe en 2015 à 150 000 unités en 2023. Des chiffres qui ont triplé, donc, et qui ne devraient pas s’arrêter de sitôt.
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Et là, nous tombons dans le fameux cercle vicieux : plus il y a de ventes de cargos, plus il y a de modèles qui débarquent sur le marché, plus les gens en achètent et plus le marché grossit. Et avec la moitié de la population vivant dans le cercle adapté à son usage, ce n’est pas demain que ça devrait se calmer.
Le prix pique un peu, c’est sûr ! Comptez autour de 3 000 à 10 000 euros pour un vélo cargo électrique complet. Mais à bien y réfléchir : plus besoin de repayer un plein d’essence tous les quatre matins ni de tourner en boucle pendant 20 minutes pour trouver une place de stationnement. Fini de tuer les trains roulants de votre voiture sur les routes défoncées de la ville, routes qui seront refaites grâce à votre taxe foncière. Les vidanges seront plus espacées, les freins seront préservés. Mieux, la voiture pourra être choisie pour le plaisir, le désir, le confort des grands trajets, plutôt que d’être à la merci d’un compromis entre petits trajets quotidiens au boulot et grands voyages à travers le monde teintés de liberté.
Les 5 000 balles sont difficiles à sortir, mais, mois après mois, l’utilisation du cargo permet de remplir une tirelire qui servira à partir en vacances avec sa voiture préservée.
Sans compter que vous arrivez au boulot la banane aux lèvres et le moral gonflé à bloc parce que vous avez roulé au grand air et surtout, que vous n’êtes pas en retard à cause d’un bagage oublié ou de la longue attente à un carrefour bouché, bref, à cause des autres, car les gens sont pressés de ne pas être à l’heure. Puis ça permet aussi de soulager votre palpitant.
Alors certes, le cargo n’est pas exempt de défauts : il reste plus lourd, son gabarit demande un petit coup de main pour le diriger, et, on ne va pas se mentir, il vaut mieux l’entreposer en lieu sûr. Mais pour le reste, c’est un concentré de bonne humeur et de praticité : il fait rire les enfants tous les matins, il soulage les routes, il désengorge le trafic, et vous avez la certitude d’être la star du quartier et des sorties d’écoles. De là à en faire un outil de drague pour parent célibataire, il n’y a qu’un coup de pédale à donner (et accessoirement un numéro à choper).
Petit à petit, le système a transformé le vélo cargo en solution miracle des déplacements urbains. Le plus paradoxal dans l’histoire, c’est qu’il va permettre à la voiture de redevenir l’objet qui fait envie…
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