Le vélo sauve. Il sauve la santé, la planète, la ville, la vie, le futur de nos enfants et même des vôtres. Le vélo est magique. Il remplace votre auto et guérit l’impuissance sportive grâce à ses pouvoirs surnaturels. Le vélo, cette star de GTA San Andreas qui demandait déjà un effort dans un monde virtuel, en demande peut-être trop dans le monde réel.
Le vélo, c’est aussi ce héros incompris, ce gourou de secte, cet ayatollah de la décroissance, ce symbole du boboïsme, ce personnage clé de l’œuvre Guerre Urbaine et Apaisement d’Autolstoï. Le vélo est perpétuellement en guerre. En guerre contre la pensée récalcitrante, contre ceux qui en ont peur, ceux qui ne le comprennent pas, ceux qui n’en veulent pas, ceux qui le répugnent. Le vélo, cet objet briseur de libertés dont le mal est de vous ôter les chaînes des contraintes de déplacement quotidiennes.
Le vélo a son Judas. Ses ennemis de l’intérieur. Plus vicieux, plus dangereux. Y a-t-il meilleur soldat que celui qui pense œuvrer pour le bien en faisant le contraire ? Y a-t-il pire général que celui incapable d’identifier le camp adverse ? Ces ennemis sont ses défenseurs. Ces études qui lissent les utilisations comme un apprêt sur un mur, oubliant cette notion, certes subtile sur la forme, mais essentielle sur le fond : le contexte. Huit milliards d’individus, quatre-vingts millions de Français et un raisonnement sans aucune distinction. Le vélo pour tous, qu’importe la situation de chacun. À vouloir le défendre envers et contre tous ceux qui n’ont rien demandé, le vélo est la cible de ses adorateurs. Pire, en zone rurale, le vélo est un loisir, un sport, une manière de se dépenser. En ville, il est assisté, électrifié, motorisé. Mais pour cela, il demande de dépenser plus pour se dépenser moins. De quoi faire rire les gens d’au-delà des villes, quand on leur parle d’exercice quotidien.
Dans les contes des mille et une nuisances, le vélo pense tout résoudre, mais n’a rien du héros qu’il prétend être. Le vélo est au mieux un Don Quichuchotte des idées aussi éclatées que les ballons trop gonflés à une fête d’anniversaire. Si le héros de Miguel de Cervantes se heurtait aux moulins à vent, le vélo se heurte aux ordres de grandeur. Le vélo ne réduit pas les 20 km de moyenne qui séparent les actifs ruraux de leur lieu de travail.
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Le vélo fait du bien. Mais moins qu’une alimentation saine, moins qu’une organisation de vie plus efficace, moins que le luxe de s’accorder plus de temps pour soi. Parfois en s’éloignant de la ville et de son rythme effréné, justement. Oui, cela implique un véhicule pour couvrir les distances. Mais les gens cesseront d’augmenter le temps de trajet, quand le coût immobilier baissera.
Le vélo prétend faire gagner du temps. Au mieux, il rend le temps perdu par le congestionnement en centre urbain. Il vient apporter une solution à un problème qui n’existe pas là où le biclou n’est pas nécessaire. Changer de mode de vie et le vélo redevient ce qu’il est dans le fond : un sport, un défouloir, un plaisir solitaire ou en groupe, une recherche de la performance.
Le vélo prétend faire économiser des sous. Au mieux, il permettra d’en perdre moins, pour compenser l’excédent d’un logement en petite ou grande couronne périurbaine. Car en ville, cette économie est insignifiante. Ah, les ordres de grandeur, le vélo n’aime pas ça.
Les pourfendeurs de la bicyclette n’ont qu’à piocher dans le sac de la réalité pour mettre à mal la secte du pédalage. Cette secte qui, à force de matraquer, de blâmer, d’accuser le monde vu à travers son prisme étroit et biaisé, froisse et déforme l’intérêt même de faire du vélo pour se déplacer. Ce prisme qui occulte la fracture sociale.
Le déploiement des infrastructures cyclables n’échappe pas à cette fracture entre territoires. En 2022, près de 80 % des nouvelles pistes cyclables étaient situées dans des zones urbaines, laissant les campagnes largement en marge. Le speedbike électrique, solution intéressante, brille par un prix élevé et une réglementation castratrice. À propos de règlement, saluons l’abnégation du gouvernement, le plus sectaire parmi les sectaires, accusateur, rempli d’idées punitives, addict au blâme, qui demande des efforts financiers aux autres, mais enterre le plan vélo, celui qui offre l’opportunité aux communes de rafraîchir leur environnement urbain, et à ce gouvernement d’en récupérer.
Le vélo utilitaire ne sera jamais une solution universelle, car il est une réponse à une problématique localisée qui ne devrait même pas exister. Il est un moyen d’outrepasser une saturation d’humains dans des lieux spécifiques à des moments clés. Retirez la saturation et le vélo n’offre plus ce gain de temps.
Le vélo continuera d’être l’idéal des centres-villes et le mirage des zones rurales. Il y a cependant une anomalie : ces villes périurbaines. Ces zones grises, à la fois proches et éloignées, dans lesquelles le prix du logement est absurde, mais encore atteignable, et où l’automobile se conjugue aux alternatives qui s’y substituent, dont le vélo. Elles sont la clé de la mobilité. Elles ouvrent le bal des solutions intermédiaires, des motos électriques, des trottinettes électriques, des vélos électriques, de tous ces engins dont la consommation d’énergie réduite permet d’économiser quelques atomes en France et beaucoup de charbon en Allemagne.
Mais année après année, le périmètre de ces zones de transition s’étend et l’intérêt de ces mobilités alternatives se réduit. Encore une fois, brandir le label vélo à outrance, c’est occulter la disparité géographique, la disparité des modes de vie. C’est faire croire que le problème se résout aussi simplement qu’un coup de pédale. Certes, le vélo est chouette et nous le tarissons d’éloges. Mais, il n’est pas magique et ne peut tout résoudre. Lui attribuer ce pouvoir, c’est lui porter préjudice.
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Vélo électrique15 novembre 2024
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