Jérémie Noirot a adopté la moto électrique il y a déjà 10 ans. Ce n’est pas avec sa Quantya de l’époque qu’il a traversé 9 pays, mais au guidon de son roadster Energica Eva Ribelle.
Entre le 22 septembre et le 9 octobre 2021, Jérémie Noirot a suivi le tracé du Transylvanie Electric Tour organisé par Ffauve (Fédération française des associations d’utilisateurs de véhicules électriques). L’événement poursuivait 3 objectifs, dont le principal était de « démontrer la faisabilité des grands trajets en véhicules électriques grand public avec un réseau de recharge rapide adapté ».
Il visait également à « créer du lien avec les autres communautés d’électromobilistes en Europe » et à mettre sous les spots des entreprises déjà bien engagées dans la mobilité branchée. Parmi elles, le constructeur de motos électriques Energica. C’est dire toute la portée symbolique de la présence de l’Eva Ribelle de Jérémie Noirot.
« A l’origine, j’étais inscrit à la Green Expedition Aéropostale. Les dates des 2 événements se chevauchaient. Comme le raid vers le désert du Sahara a été annulé, j’ai pu m’inscrire, tardivement, au Transylvanie Electric Tour », souligne-t-il.
Ffauve avait annoncé une boucle de 5 000 kilomètres en 15 jours, depuis Besançon, dans le Doubs, jusqu’au circuit de Charade, près de Clermont-Ferrand (63). Et ce, en empruntant les routes de 9 pays : France, Allemagne, Autriche, Hongrie, Roumanie, Serbie, Croatie, et Italie.
Les concurrents ont été accueillis, entre autres, par le constructeur slovène d’avions Pipistrel, le concepteur croate de supercars Rimac en charge de booster la marque Bugatti, Sono Motors qui s’apprête à répandre sa citadine solaire Sion, et le rétrofiteur français Marc Areny installé en Roumanie.
« En ce qui me concerne, le périple s’est étendu sur 6 200 km. J’ai d’abord dû prendre livraison de ma moto au pied du mont Blanc. Et le retour s’est étendu jusque Paris. Je venais juste d’acheter l’Energica, un modèle de démonstration avec 700 km au compteur. Il en affiche désormais plus de 11 000, 2 mois plus tard, en grande partie du fait de ma participation au Transylvanie Electric Tour », précise notre interlocuteur.
« Je suis venu à la mobilité électrique en 2009 avec des vélos de ma propre fabrication. J’ai assez vite abandonné cette voie, car je rencontrais des problèmes pour les faire assurer, vu qu’ils n’étaient pas homologués », lance Jérémie Noirot.
« J’ai acquis en 2011 une moto électrique italienne Quantya, construite en suisse sur un cadre Husqvarna. Elle existait en versions route et cross. Je l’ai conservée 2 ans et demi, après avoir refait toute la partie électrique et modifié le contrôleur », se souvient-il.
« Avec le recul, c’est la moto électrique dont je garde le meilleur souvenir. Du fait de l’augmentation de la puissance, c’était une véritable boule de nerfs très délicate à piloter », reconnaît-il. « Après la Quantya, j’ai racheté en panne à un revendeur un maxi-scooter électrique Vectrix en version batterie NiMH. J’ai fini par changer le pack avec des éléments lithium-ion de Renault Fluence », poursuit Jérémie Noirot.
« A l’époque, je travaillais dans le ferroviaire, à la SNCF. Mes bricolages sur des deux-roues électriques m’ont décidé à passer à temps partiel, afin de développer une activité de concepteur de batteries. Je me suis d’ailleurs entraîné sur des Vectrix. Avec le mien, en ajoutant 10 kWh de batterie sur la place du 2e passager, j’ai pu participer au Nouvelle-Aquitaine énergie Tour en 2019 », nous apprend-il.
« Avant la pandémie, je m’étais offert une Zero SR d’occasion que j’ai conservée 18 mois, le temps de parcourir 28 000 km avec. Je suis parti en vacances à son guidon. En un peu plus d’une journée, j’ai effectué 800 km sur cette moto, accompagné par Guillaume Deslandes sur la sienne », témoigne-t-il.
À lire aussi50 % des motards sont prêts à passer à l’électrique« Ensemble, nous avons aussi participé cette année à la Dutch 1 000. Avec cette épreuve ordinairement relevée aux Pays-Bas avec des motos thermiques classiques, nous avons eu 24 heures pour avaler 1 000 km. Afin d’y parvenir, j’avais des chargeurs 17 kW dans mes valises, et ajouté une batterie de 7,2 kWh en plus de celle de 14,4 kWh, pour un total exploitable de 19,2 kWh », schématise Jérémie Noirot.
Avec cette impressionnante carte de visite, ce n’est pas une boucle de 5 000 km en 15 jours vers le château de Dracula qui allait impressionner notre interlocuteur. D’autant plus qu’il a déjà eu l’occasion de réaliser 2 900 km en 6 jours sur une moto électrique.
Jérémie Noirot n’a pas été convaincu par son essai de la Harley-Davidson LiveWire, effectué à Bordeaux. « Suivant l’actualité des motos électriques, j’ai très vite été au courant de la création en 2016 de la marque Energica. Les machines sont assemblées à Modène, en Italie, c’est même marqué dessus. Plus précisément, l’usine est à Soliera, distante de quelques kilomètres », situe-t-il.
« Je n’ai pu réaliser un premier essai qu’en mai de cette année. La gamme n’a pas été de suite distribuée en France. Elle est composée de 3 modèles qui se partagent une même plateforme et une batterie d’une capacité nominale de 18,9 kWh, dont seulement 16,2 kWh sont vraiment exploitables. C’est la présentation qui change principalement. La version néo-rétro a cependant des performances en retrait », détaille-t-il.
La documentation du constructeur indique effectivement pour l’Eva EsseEsse9 une puissance de 80 kW pour un couple de 220 Nm. La sportive Ego, et le roadster Eva Ribelle dont dispose notre interviewé, affichent 107 kW et 215 Nm.
À lire aussiRoad-trip en moto électrique : la chevauchée des watts en Energica EVA EsseEssE9 RSPour l’Ego, comme pour l’Eva Ribelle, Energica annonce 230 km d’autonomie en parcours combiné, 180 km en extra-urbain, et 400 km en ville. « J’ai personnellement observé 150 km à 130 km/h sur autoroute, 250 km sur les nationales, et beaucoup plus en ville », commente Jérémie Noirot.
« A côté des voitures électriques comme les Tesla Model S, Kia e-Soul, Hyundai Kona et MG ZS EV également engagées au Transylvanie Electric Tour, c’est mon Energica qui disposait de l’autonomie la plus faible. Pourtant, question moto, c’est celle qui affiche la meilleure valeur à ce niveau sur le marché : environ un tiers de plus », met-il en perspective.
« Heureusement, les organisateurs et les participants ont joué le jeu pour que je ne sois pas distancé. Le rythme imposé était finalement assez cool, par rapport à des challenges où il faut recharger au plus vite pour repartir immédiatement à la fin de l’opération », a-t-il apprécié.
« L’étape la plus délicate a été Bucarest-Belgrade, avec 250 km sans aucune borne sur le trajet. Et pour rendre l’épreuve plus compliquée, il y avait 30-40 km de route en réfection. Nous avons dû rouler sur du gravier, ce qui nuit à l’autonomie », rapporte Jérémie Noirot.
« Je suis arrivé au bout de l’étape avec 4 % d’autonomie restante. C’était la première fois que j’utilisais le mode de conduite Urban, à la place de Sport. La moto était moins réactive à l’accélération, mais j’ai pu rouler de façon plus efficiente. L’autonomie est ainsi de 270 km avec mon roadster qui embarque encore l’ancien moteur », compare-t-il.
« Les vrais problèmes d’accès à la recharge, c’est en Italie que je les ai connus. Deux fois. Et notamment le dernier soir avant de revenir en France. Nous avions prévu de fêter ça dans un resto. Finalement nous avons dû pique-niquer sur le capot des voitures », illustre-t-il.
« Avec le Transylvanie Electric Tour, c’est la première fois que je voyageais à moto en m’appuyant uniquement sur des bornes rapides en CCS. J’avais pris l’habitude des connecteurs Type 2 à 3 kW. Le périple m’a permis de constater que la batterie de l’Energica a tendance à chauffer. Au-dessus de 36° C, la puissance de recharge diminue », a observé Jérémie Noirot.
« Pour éviter le phénomène, il est possible d’adapter soi-même la puissance de recharge depuis le tableau de bord de la moto, de 1,5 à 22 kW, par pas de 1,5 kW. Pas besoin de la valeur maximale si l’on s’arrête plus d’une heure », explique-t-il.
« Côté performances, j’ai pu constater sur les autoroutes allemandes que la vitesse est bridée à 207 km/h. On sent bien que l’Energica pourrait faire mieux et que la puissance s’efface un peu artificiellement. Ce qui est impressionnant, c’est de passer en 3,5 secondes de 90 à 190 km/h », assure-t-il.
« Globalement, après ces 6 200 kilomètres réalisés en 20 jours, le roadster Energica se révèle conforme à mes attentes. Il y a toujours suffisamment de puissance disponible », évalue Jérémie Noirot.
Une moto à conseiller ? « Franchement, entre une électrique Energica et une Zero Motorcycles SR/F ou SR/S, c’est d’abord une question de goût personnel. Certains pourront préférer l’italienne parce qu’ils apprécieront sa puissance », nous répond-il de façon très ouverte.
« En tout cas, je me plais à croire que le Transylvanie Electric Tour est à l’origine de la prochaine installation d’un revendeur Energica à Bucarest. Le constructeur a reçu une demande 2 jours après notre passage. Nous avions rencontré des motards qui ont l’habitude de se retrouver sur une place de la ville », imagine-t-il.
« Guillaumes Deslandes, Pierre Rousseau et moi venons tout juste de créer l’Ame, l’association des motards électriques. Elle sera rattachée à Ffauve. L’objectif de cette structure est de promouvoir l’utilisation des deux-roues électriques », annonce notre interlocuteur.
« Nous pourrons ainsi participer aux discussions qui nous concernent. Par exemple en faisant entendre notre voix pour les projets d’installation de bornes de recharge. Les besoins pour les motards sont spécifiques. Nous organiserons des rassemblement dédiés à nos engins », conclut-il.
Cleanrider et moi-même remercions Jérémie Noirot pour sa réactivité, sa disponibilité, et le temps pris à répondre à nos questions.
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