La « révolution vélo a débuté » peut-on entendre ci et là. Que notre époque est égocentrée… Le vélo n’est pas une révolution. Et l’humanité n’a pas attendu 2023 pour s’y mettre non plus.
Une révolution est un changement brusque et violent dans la structure sociale et politique d’un État. Elle est également une évolution de la société sur le plan économique, social et culturel. Aucune de ces définitions ne collent avec le vélo. Il est au contraire un fil rouge qui accompagne la société depuis plus de deux siècles.
Mais si le vélo n’a jamais été une révolution, son évolution, elle, en a engendré plusieurs. Pour le comprendre, nous allons remonter le temps
Nous sommes en 1817. La révolution industrielle bat son plein et le besoin de se déplacer plus rapidement avec quelque chose de moins encombrant et contraignant qu’un cheval engendre l’apparition de la draisienne par Karl Drais (Drais, draisienne, vous l’avez ?). Mais bouger les jambes n’est pas ce qu’il y a de plus pratique. Un article du Figaro de 1892 relate que des tenues spécifiques étaient nécessaires.
En 1861, le français Pierre Michaux ajoute des pédales sur l’essieu de la roue avant. Le vélocipède est né. C’est un moyen de parcourir 20 km en deux heures, ce qui pour l’époque est impressionnant. Mais il ne s’agit pas d’une révolution vélo.
En revanche, la séduisante Cora Pearl qui s’élance sur l’engin, pédalant dans un costume excentrique au milieu des rues de Paris, elle qui a su séduire nombre d’hommes de la haute société, rend l’engin populaire. La révolution de la promotion par influenceuse est née.
Il faut aller plus vite, l’homme étant un éternel insatisfait. Le grand-bi sera une fausse bonne idée. C’est un peu la gyroroue de l’époque. Il faut maîtriser pour apprécier le résultat. Point de révolution ici. En 1885, soit à peine 15 ans après l’apparition du grand-bi, l’anglais John Kemp Starley invente la bicyclette de sécurité (Rover Safety Bicycle de son nom anglais). On ne peut pas encore parler de vélo, mais les appendices principaux sont là : chaine, plateau, pignon fixe. Mais point de frein (comme les fixies aujourd’hui) ni de pneu. Point de révolution là encore.
En 1888, John Boyd Dunlop invente le pneumatique. Un tube creux gonflé d’air. Mais ce sont les frères Michelin qui proposent un pneu à chambre à air. Plus confortables, ils seront utilisés lors d’une course Paris-Brest-Paris. On n’est pas loin d’une révolution. Une double révolution même, mais pas celle du vélo. La course est réalisée en 71 heures, par Charles Terront qui n’a pas dormi durant son périple. L’année suivante, l’itinéraire de la course de 400 km est dessiné sur un papier par André Michelin. Il le plie en accordéon. Cela donnera la révolution de… la carte routière Michelin. Dunlop répond en faisant participer des pros. Michelin se fâche et sème des clous sur le tracé. Ça n’a aucun sens. Le pneumatique en sort roi. Il est la révolution tant attendue. Il est également la plus grosse source de pollution moderne.
L’apparition des motos et des voitures, la démocratisation du moteur à explosion qui, par souci de stockage de carburant (même en 2024, les batteries sont encore problématiques) et le système capitaliste qui va démocratiser la consommation vont reléguer le vélo au rang d’outil de déplacement plaisir et économique. Le comble, c’est qu’avant le 20e siècle, la bicyclette est le jouet de la bourgeoisie, une alternative au cheval pour avoir une sensation de vitesse.
Mais au vingtième siècle, la limonade change et le vélo s’émancipe. Il n’est pas une révolution, mais l’outil qui servira à la mener et même, à en mener plusieurs.
Vous pensez que la Hollande a épousé le vélo pour des raisons écologiques ? Détrompez-vous. L’idylle commence lors de la Première Guerre mondiale. Le blocus de l’Allemagne par l’Angleterre stoppe l’importation de voitures et de carburant au pays du fromage. Lui, qui n’était pas impliqué dans le conflit se rabat alors le vélo. Le pays est plat, plutôt petit, adapté à la bicyclette. Le vélo hollandais est inventé et avec lui, toute une industrie du cycle.
Le vélo est abordable. Il devient un outil nécessaire lors du crash de 1929. À cette époque, le pétrole coûte soudainement plus cher, l’automobile devient encore plus luxueuse et onéreuse. Le vélo est une solution de déplacement pratique, simple et abordable. Vous pensiez sérieusement que notre époque avait inventé le conseil du vélotaf ? Pire, l’avait démocratisé ? Absolument pas. Les ouvriers n’allaient pas travailler en voiture. Même ceux de Ford que Henry avait sournoisement poussés à acheter un Model T (qui n’est donc pas une Tesla) préféraient garder leur engin pour les sorties en famille. En 1939, ce sont 9 millions de bicyclettes présentes dans les foyers français. Une par famille, minimum.
Durant la Seconde Guerre mondiale, le vélo est un engin pratique, silencieux, réparable avec n’importe quel « truc qui fera l‘affaire ». C’est l’allié de la Résistance.
En 1973, le premier crash pétrolier va forcer l’industrie automobile à se remettre en question pour la première fois. Il va aussi pousser les citoyens et surtout la classe moyenne à repenser leurs usages.
En 1979, un nouveau crash pétrolier qui va pousser le Danemark à développer des infrastructures cyclables, moins chères que les autoroutes. Avec la Hollande et la France, il se tourne vers le vélo. Puis voici 70 ans que la transmission par dérailleur se bonifie, que les cadres s’améliorent et maigrissent, grâce à l’emploi de matériaux comme l’acier. Tant mieux, puisque les années 90 vont offrir au vélo un moyen de sortir des sentiers battus. Le VTT apparait, le vélo n’est pas qu’un outil de déplacement, c’est également du sport et donc une passion. Rien à voir avec une révolution.
Mais au milieu de cet enthousiasme (les jeunes disent encore « hype » ?), le vélo garde ses deux casquettes. En 1995, une grève sans précédent empêche les Français d’utiliser les transports en commun. Ces derniers ressortent leurs vélos. Ça tombe bien, ils rentabilisent le VTT. Le vélo est un outil délicieusement agréable, même en hiver. Il suffit de se couvrir avec des vêtements chauds, comme l’humain l’a appris il y a quelque 800 000 ans.
L’après-guerre va engendrer un babyboum (celui qui a donné les boomers ? Possible). Boomers qui ont eu des enfants. Dans les années 2000, une double génération qui engendre un flux gigantesque d’actifs qui se déplacent aux mêmes endroits, aux mêmes moments et de la même façon. Les solutions sont rapidement saturées et il faut choisir entre rester statiques dans sa voiture qui n’avance pas ou étouffer dans des transports en commun saturés. Il reste cet engin, recouvert de poussière dans un coin de grenier. Un coup de dégrippant, de lubrifiant. Quelques réglages et revoilà le vélo en selle.
Nous pourrions nous arrêter là, mais ce serait oublier l’augmentation de 55 % de l’usage du vélo au détriment du métro en 2016 en Belgique à la suite des attentats du 22 mars. Ou encore la solution idéale pour se déplacer après la pandémie du COVID-19 que nous avons tous encore bien en tête. Pandémie qui a mis l’économie à terre, au point qu’on voulait nous refourguer un baril de pétrole gratis pour tout achat d’une baguette de pain.
Alors non, le vélo n’est pas une révolution. Il est l’outil qui aide les humains, lorsqu’une révolution intervient, qu’elle soit de son gré ou non.
Le vélo n’a pas à être brandi telle une arme ni à être glorifié. Il n’en a jamais eu et n’en aura jamais besoin. Au contraire, il est là. Toujours prêt (moyennant un soupçon de WD40 et quelques gouttes d’huile minérale et de coude). Il attend que l’humain soit dans la panade pour le motiver à donner quelques coups de pédales.
Mais à la différence d’avant, le vélo s’est équipé d’une fonctionnalité redoutable : l’assistance électrique. Elle lui permet désormais d’aider tout le monde. Le vélo est moins l’arme d’un révolutionnaire que le véhicule d’un héros et ce, qu’importe l’époque ou la classe sociale.
À ce jour, le marché du vélo est un monstre géant qui devrait frôler les 60 milliards de dollars d’ici 2025. C’est un bon de 5 milliards en un peu plus de 5 ans. Mais son historique en fait un élément symbolique, aussi pratique que pragmatique. Il est accessible à tout le monde et ne peut devenir économiquement élitiste. Un tel marché ne peut laisser un trou dans la tranche visant le plus grand nombre exister. Ce qui permet à tout à chacun de s’équiper, et ce, avec ou sans aide de l’État. Un État qui a tout à gagner à laisser le peuple l’utiliser. Car le vélo a un petit truc en plus, non négligeable, pour lui : il est également bon pour la santé.
Sources : Le Point – Les trois âges du vélo en France – 7 jours à Clermont – Wikipedia
La suite de votre contenu après cette annonce
Notre Newsletter
Faites le plein d'infos électrisantes
S'inscrire gratuitement
Vélo électrique15 novembre 2024
Annonce partenaire
Annonce partenaire
Annonce partenaire
Annonce partenaire
Annonce partenaire