AccueilVélo électriquePourquoi l'industrie du vélo pédale encore dans le vide sur le climat

Pourquoi l'industrie du vélo pédale encore dans le vide sur le climat

Il suffit de peu de choses pour se rendre compte que nous faisons parfois fausse route. Aussi, il n’a suffi que d’un repas avec un utilisateur de vélo électrique, pour que la question de l’écologie se retrouve sur la table, tels les débats creux politiques lors des fêtes de fin d’année, auxquelles vous n’échapperez probablement pas. Et pour cause, tout a dérapé lorsque j’ai tenté d’expliquer que, pour quelqu’un disposant d’une voiture électrique, acheter un vélo électrique afin de la soulager de quelques kilomètres par jour était contre-productif.

Difficile à croire, mais c’est factuel : réaliser 20 000 km en Tesla Model 3 (par exemple) émet 125 kg de CO₂ quand un VAE émet, pour le même kilométrage (durée de vie estimée du vélo et de sa batterie), en intégrant sa fabrication, entre 140 et 260 kg de CO₂ ! Pourquoi 20 000 km ? Parce que c’est la durée de vie moyenne du combo moteur + batterie. Il suffit que l’un des deux éléments soit à remplacer pour augmenter un peu plus l’empreinte carbone (de 100 à 200 kg de CO₂ de plus).
Oui, ça fait mal, et c’est ce qui a donné lieu à cet édito.

Un « Climate Action Training » pour les pros, mais qui roule vraiment ?

On commence par une belle initiative : huit grandes marques du vélo, parmi lesquelles Accell, Canyon et Trek, ont lancé une formation gratuite, le Climate Action Training. Son objectif ? Éduquer leurs partenaires et fournisseurs sur les moyens de réduire les émissions de gaz à effet de serre dans la chaîne d’approvisionnement.

Logique, car jusqu’à 95 % des émissions de carbone de l’industrie viennent de l’extraction et de la production des matériaux. En gros, l’impact environnemental d’un vélo est déjà gravé dans le métal avant même qu’il ne prenne la route. Alors, on forme, on sensibilise, on parle d’efficacité énergétique et d’énergies renouvelables… Mais est-ce que cela suffit ?

Soyons honnêtes : ces efforts sont louables, mais aussi symptomatiques d’une industrie qui découvre tardivement qu’elle n’est pas aussi verte qu’elle veut le faire croire. Pendant que certains s’engagent dans des plans ambitieux, d’autres préfèrent miser sur le greenwashing et espèrent que vous, chers consommateurs, continuerez d’acheter leurs produits en croyant contribuer à sauver les ours polaires.

Des consommateurs qui en demandent plus (et qui votent avec leurs porte-monnaie)

Si l’on en croit le Climate Action Pulse Check, tout n’est pas si sombre. Selon cette enquête mondiale, 80 % des professionnels de l’industrie déclarent adopter une approche stratégique face au changement climatique, et 35 % suivent leurs progrès. Bravo ! Mais côté consommateurs, l’enthousiasme n’est pas partagé. 77 % des cyclistes interrogés affirment avoir changé de marque à cause de préoccupations liées à la durabilité. Leur priorité ? Des produits plus durables et réparables. Par motivation écologique et émotionnelle. Un vélo est un véhicule auquel on s’attache.

C’est là que l’industrie se prend les pieds dans le guidon. Pendant qu’elle continue de fabriquer des vélos « écoresponsables » produits à l’autre bout du monde et jetables tant les réparations des moteurs sont fastidieuses et le coût des batteries indécent, les consommateurs attendent autre chose. Ils veulent des vélos qui durent, qui se réparent facilement, qui ne finissent pas à la casse après quelques années. En gros, ils veulent des produits qui incarnent vraiment les valeurs environnementales que l’industrie prétend défendre.

La grande hypocrisie de la chaîne d’approvisionnement

Un autre point frappant de ces rapports est la dépendance de l’industrie à sa chaîne d’approvisionnement. 49 % des marques disent travailler avec leurs fournisseurs pour réduire les émissions, ce qui est encourageant, mais pas suffisant. Pourquoi ? Parce que la chaîne d’approvisionnement reste le maillon faible de cette révolution climatique.

Les marques, qu’elles soient grandes ou petites, doivent aller plus loin. Il ne s’agit pas seulement de « mesurer l’impact » ou de « fixer des objectifs» (des phrases creuses qu’on lit dans tous les communiqués de presse). Il faut repenser entièrement le modèle économique : réduire la production, privilégier les matériaux recyclés, encourager la réparation et l’entretien, et, pourquoi pas, ralentir la cadence infernale des lancements de nouveaux modèles chaque année.

Mais ça, c’est difficile, parce que ça signifie vendre moins. Et vendre moins, c’est une hérésie pour une industrie qui, comme toutes les autres, rêve de croissance infinie. Alors, on préfère parler de « circuits courts » et de « transition juste » tout en continuant d’exploiter des matières premières à l’autre bout du monde, tout en se cachant derrière un drapeau affichant la planète soutenue par des mains.

Il a fallu environ 145 kg CO₂ pour concevoir cette batterie de VAE de 1kWh de capacité, auxquels s’ajoutent entre 80 et 192 kg de CO2 lors de l’utilisation sur 20.000 km.

Les consommateurs, derniers espoirs de la planète vélo

Mais blâmer l’industrie serait trop simple. Dès qu’elle tente des choses différentes, elle peine à exister. C’est à nous, consommateurs, de faire la différence. À nous de favoriser les productions responsables et de laisser tomber les pseudos vélo électriques débridés de 1000W vendus sur Aliexpress. L’industrie suit le consommateur. Et lorsqu’il se manifeste, elle s’adapte.

Des initiatives comme le Climate Action Training ou le Climate Action Pulse Check montrent que l’industrie du vélo commence à prendre le sujet au sérieux. Mais ce n’est qu’un début, et le chemin sera long.

À nous de favoriser les produits réparables. Qui souhaite jeter un vélo parce que le moteur a un souci ? Qui accepterait de changer de vélo pour un neuf, si la batterie à remplacer ne coûte qu’une petite partie du coût global (et non le tiers à la moitié de son prix).

À nous d’exiger des normalisations. Comment accepter autant de disparité sur les batteries, alors qu’elles sont la principale raison pour laquelle les consommateurs achètent un nouveau VAE ?

Moins de blabla, plus de faits

Pour l’industrie, l’heure est venue de passer de la parole aux actes. Moins de slogans, plus de transparence. Moins de greenwashing, plus de produits durables. Moins de croissance, plus de sens. Parce que pédaler pour la planète, ce n’est pas qu’un beau discours : c’est une responsabilité. Nous pourrons commencer à parler de sauver la planète, lorsqu’il sera plus rentable pour elles d’utiliser un VAE en complément de sa voiture électrique, plutôt que l’inverse.

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