Après les abus et les controverses, le marché des trottinettes électriques en libre-service semble arriver à maturité.
Souvenez-vous il y a à peine 5 ans, de drôles d’engins débarquaient dans nos villes dans la trace des pionniers américains Lime et Bird. Après une – trop longue pour certains – période de développement et une certaine anarchie, ce nouveau marché des trottinettes électriques en libre-service ou « free-floating » s’est progressivement épuré, organisé et consolidé.
Il faut dire que devant le bazar ambiant, les villes prises d’assaut par ce nouveau mode de déplacement pas si doux que cela, ont pris des mesures assez drastiques pour juguler et rationaliser le phénomène. Parfois jusqu’à l’interdire, comme à Paris récemment, suite à une parodie de référendum.
Alors que certains les considèrent comme des moyens écologiques de se déplacer sans être pris dans les embouteillages, d’autres les voient comme une menace disgracieuse, capable de causer des blessures graves, voire la mort.
De nombreuses grandes villes européennes semblent cependant gérer la question de façon plus intelligente et pragmatique, avec des résultats probants. Dernier exemple en date, Londres, qui fonctionne à front renversé par rapport à la capitale française, puisque dans la capitale anglaise, les trottinettes personnelles sont interdites, mais pas celles en libre-service. Cela étant, de nouvelles règles sont en vigueur pour mieux réguler leur usage au profit de la sécurité de tous.
Des règles qui ressemblent en tous points à celles déjà imposées aux opérateurs dans d’autres grandes cités européennes, et qui reposent sur quelques principes de bon sens : limitation de la vitesse généralement à 20 km/h, fin des dépôts sauvage remplacés par des zones de parking dédiées (ce qui signe en quelque sorte la fin du vrai free-floating), obligation de dispositifs de sécurité comme les phares, feux stop, klaxon et freins puissants, immatriculation, interdiction d’être deux sur une trottinette et usage limité aux plus de 14 ou 16 ans.
Paris, qui comptait 32 trottinettes électriques pour 10 000 habitants en 2022, a décidé d’interdire les trottinettes électriques en libre-service à partir de septembre 2023. Cette décision fait suite à un référendum organisé en avril 2023, dans lequel plus de 90 % des votants ont exprimé leur opposition aux trottinettes électriques. Les trottinettes électriques privées resteront autorisées.
Les trottinettes électriques avaient été critiquées pour leur impact sur le paysage urbain et leur sécurité. Les trottoirs encombrés de trottinettes et les accidents impliquant des trottinettes électriques sont devenus des problèmes courants.
Il s’agit de la plus grande métropole à retirer ces engins basés sur une application, qui ont fait leur apparition dans les rues en 2018. Cependant, de nombreuses autres villes ont pris des mesures concernant ces véhicules qui suscitent à la fois l’engouement et le rejet.
Paris n’est pas la seule ville à faire marche arrière sur les trottinettes électriques. D’autres villes, telles que Copenhague, Barcelone et Riga, ont déjà temporairement interdit ou fortement restreint les trottinettes électriques. Au Royaume-Uni, les trottinettes électriques privées sont toujours illégales et seuls quelques villes ont des programmes de trottinettes électriques en libre-service, qui seront revus dans les prochaines années.
En Allemagne, en revanche, les trottinettes électriques restent populaires. Les véhicules de micro-mobilité représentent une grande proportion de la flotte de véhicules partagés dans le pays et le marché devrait continuer à croître dans les années à venir.
Voici un aperçu de la situation dans d’autres villes à travers le monde.
Quelques villes avant Paris ont pris des mesures radicales en imposant une interdiction totale.
Barcelone a interdit les trottinettes de location sur les voies publiques en 2018. Lorsque la société allemande Wind a lancé un programme de partage de trottinettes électriques dans la ville cette année-là, la police a retiré les engins des rues en quelques heures.
Deux ans plus tard, Montréal a interdit toutes les trottinettes électriques, de location et privées, de circuler sur les voies publiques et les pistes cyclables, se plaignant que quatre fois sur cinq, elles étaient abandonnées dans la rue au lieu d’être stationnées dans des endroits désignés. Récemment, la ville a autorisé Bird Canada à déployer 200 engins dans un parc, dans le cadre d’une nouvelle expérience avec des règles d’utilisation strictes.
Copenhague a également interdit les trottinettes électriques de location en 2020. Elle les a réintroduites un an plus tard sous des conditions strictes, notamment une interdiction totale de stationnement dans le centre-ville et l’obligation pour les utilisateurs de porter des casques.
De l’autre côté de la Manche, Londres a fait preuve de plus de prudence en ce qui concerne les engins que le chef de la police de la ville a qualifiés de « pièges mortels ». De fait, seules les trottinettes électriques de location dotées de caractéristiques de sécurité spécifiques sont autorisées dans la capitale. Les engins privés sont illégaux. En outre, les utilisateurs doivent avoir 18 ans ou plus et détenir un permis de conduire complet ou provisoire. Côté réglementation technique, les trottinettes ont une limite de vitesse de 20 kilomètres par heure et leurs lumières restent allumées pendant leur utilisation.
Après plusieurs accidents et incidents impliquant ces engins, y compris une tentative notoire de deux touristes américains de descendre les célèbres escaliers de la Place d’Espagne, Rome a promis d’imposer de l’ordre sur son marché florissant de location de trottinettes électriques.
Le 1er septembre dernier, la ville éternelle a introduit de nouvelles règles pour restreindre l’utilisation, notamment dans le centre historique où la vitesse est désormais limitée à 6 km/h (autant marcher) dans les zones piétonnes et le stationnement sur les trottoirs interdit.
A Singapour, on a l’habitude des mesures autoritaires et de ne pas plaisanter avec la sécurité. C’est donc sans surprise que l’on retrouve dans la ville-état certaines des sanctions les plus strictes pour les conducteurs de trottinettes imprudents. Ceux qui sont pris à rouler sur les trottoirs risquent jusqu’à trois mois de prison et une amende de 2 000 dollars de Singapour (environ 1 500 dollars américains).
Après une expansion soutenue durant quatre années d’affilée, on observe pour la toute première fois une chute de 10 % dans leur fréquentation. Ces informations nous proviennent de l’Indice Européen de la Mobilité Partagée du second trimestre 2023, publié par Fluctuo.
Cette diminution et son ampleur ne sont pas le fruit du hasard. Plusieurs facteurs entrent en jeu, parmi lesquels figurent une sur-saturation dans les marchés peu régulés ainsi que l’instauration de régulations plus draconiennes portant sur le stationnement, les limitations de vitesse et les zones de déploiement dans d’autres marchés.
Paris et Bruxelles, qui se placent respectivement parmi les trois villes qui comptent le plus grand nombre d’usagers de trottinettes, sont actuellement en pleine mutation de leurs marchés de mobilité partagée. Bruxelles prévoit de réduire sa flotte de trottinettes de 20 000 à 8 000 dès janvier.
Ces deux métropoles représentent à elles seules 18 % du volume total des trajets en trottinette. Avec ces chiffres à l’appui, Fluctuo anticipe que la tendance à la baisse va se poursuivre en 2023 et 2024. Au beau milieu de ce climat d’incertitude, Bordeaux a réussi à se démarquer en quadruplant sa fréquentation.
Malgré ce ralentissement notable, les trottinettes demeurent un acteur de poids dans le domaine de la mobilité partagée. Elles constituent en effet 52 % des véhicules en libre-service et 42 % de l’ensemble des déplacements en mobilité partagée durant le dernier trimestre dans les 33 villes étudiées.
Sources :
Japan Times – Statista – Zagdaily
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