Le développement continu du secteur du vélo à assistance électrique soulève des questions diverses autour de la sécurité et du vivre ensemble.
Nous avons déjà eu l’occasion d’en parler, il n’y a pas « un » vélo électrique, mais des vélos électriques, avec chacun ses usages et sa clientèle.
Et comme dans toutes les activités humaines qui se développent pour devenir des activités « de masse », les chapelles se créent, avec leurs adeptes, leurs codes et leurs clivages.
Il n’y a donc plus « un » cycliste mais des cyclistes, et ceux qui rangent toutes celles et ceux qui pédalent sous la même bannière montrent qu’ils ne comprennent pas grand chose à cet écosystème. Qu’y a-t-il en effet en commun entre le vélotaffeur électrique quotidien et l’adepte de la descente en VTT ? Et entre le promeneur occasionnel du dimanche et la mère ou le père de famille qui emmène ses enfants tous les matins par tous les temps à l’école en vélo-cargo ou long-tail ? Pas grand chose.
Quand on pratique au quotidien, on constate d’ailleurs que des clivages voient le jour entre différentes catégories de cyclistes, et que ça s’engueule parfois vertement entre usagers, pour différentes raisons. Alors, les pratiquants fréquents du vélo sont-ils finalement aussi irascibles que les automobilistes ? Peut-être. A cela près qu’un geste incivil à vélo est probablement un peu moins dangereux que face à un machin d’une tonne et demie.
Cela étant, tout n’est pas idyllique dans le monde du vélo, a fortiori quand des nouveaux pratiquants déferlent chaque année par dizaines, voire centaines de milliers. Nous ne pouvons pas nier que cette densification de l’usage quotidien du vélo, notamment en milieu urbain et pour se rendre au travail, commence à poser quelques problèmes, et pas seulement d’incivilités.
Il arrive aussi que les infrastructures aient quelque peine à suivre l’adoption massive de ce mode de déplacement, et que certaines pistes cyclables commencent à sérieusement bouchonner aux heures de pointe, à tel point que sur certains passages elles finissent presque par ressembler à l’autoroute A7 un jour de grands départs en vacances.
D’autre part, le développement du vélo à assistance électrique pose également d’autres problèmes de sécurité, également liés à la réglementation. C’est le cas par exemple pour la ville de New York, dont les autorités se posent sérieusement la question d’en interdire l’usage intra-muros, selon nos confrères d’Electrek.
La raison ? Selon le tarif et la filière de production et d’importation, certains engins posent des problèmes de sécurité. Et cela n’a rien à voir avec le respect du code de la route ni avec d’éventuelles incivilités.
Les vélos électriques de meilleure qualité sont fabriqués pour répondre à diverses réglementations de sécurité, notamment celles concernant la sécurité de leurs batteries lithium-ion à haute énergie. Cependant, les vélos électriques bon marché, souvent importés de marques inconnues ou sous des marques privées, peuvent négliger la sécurité. Ce qui a entraîné la production de batteries mal fabriquées susceptibles de prendre feu, parfois avec des conséquences mortelles.
Rien que cette année, il y a eu 13 décès à New York, une ville où l’on estime qu’il y a 65 000 vélos électriques dans les rues. Les livraisons de nourriture en deux roues sont légion à Manhattan, comme dans toutes les grandes villes en raison de la congestion causée par les voitures, mais à New York ce sont surtout des livreurs à vélo électrique qui officient. Des livreurs, qui, mal payés, sont souvent contraints de choisir les vélos électriques les moins chers. Ce sont généralement ceux-là mêmes qui posent des problèmes de sécurité. Leur popularité à New York aggrave donc le problème.
Plus tôt cette année, la ville de New York a émis une interdiction de vente de vélos électriques qui ne répondent pas aux normes de certification UL. Sans cette certification de sécurité, leur vente est interdite. La ville a également mis en place un plan pour installer des stations de charge sécurisées pour les vélos électriques, bénéficiant en fin de compte d’un financement de 25 millions de dollars pour cette initiative.
Le problème des incendies de vélos électriques ne concerne peut-être qu’une petite proportion des vélos électriques, mais avec des dizaines de milliers de vélos électriques qui roulent dans Manhattan, les chiffres commencent à s’accumuler.
Des risques qui sont étrangement liés à un autre phénomène, celui du… sel. En effet, la grande quantité de sel répandue sur la chaussée de la mégapole en hiver signifie que les batteries mal scellées peuvent finir par être imprégnées de sel qui crée des contacts électriques dans les boîtiers de batterie, ce qui peut provoquer un court-circuit des cellules et entraîner des incendies. Les cellules qui chauffent rapidement peuvent provoquer une réaction thermique en chaîne où les cellules de batterie voisines surchauffent et prennent feu, une condition dangereuse qui peut entraîner des incendies domestiques si elle n’est pas immédiatement maîtrisée.
De son côté, la Californie estime avoir à faire face à un autre problème, celui des cyclistes débutants, qui sans permis de conduire automobile, ne possèdent même pas le début du commencement des bases de la conduite d’un engin sur route ouverte. Il faut dire qu’aux US, les vélos à assistance électriques sont « bridés » à 32 km/h, vitesse à partir de laquelle l’assistance électrique s’arrête, contre 25 en Europe. Autant dire de petites bombes roulantes si elles sont mises entre les mains du premier venu, a fortiori sans limite d’âge.
C’est la raison pour laquelle, alors que les vélos électriques gagnent en popularité sur la très ensoleillée Côte Ouest, ils pourraient prochainement nécessiter un permis spécifique dans l’état de Californie. Certains politiciens souhaitent en effet mieux encadrer leur utilisation, notamment chez les plus jeunes, à travers le projet de loi « 530 » de l’Assemblée. Ce nouveau permis serait destiné aux cyclistes qui n’ont pas de permis de conduire automobile et aurait pour objectif de s’assurer de leur bonne compréhension des règles de circulation et de sécurité.
Le projet de loi 530, qui sera bientôt examiné en commission, prévoirait un test écrit en ligne ainsi que la présentation d’une pièce d’identité délivrée par l’État pour obtenir ce permis. Seuls les cyclistes n’ayant pas de permis de conduire seraient concernés. De plus, le projet vise à interdire l’usage des vélos électriques sur la voie publique pour les enfants de moins de 12 ans.
Peut-être devrions nous nous inspirer de cette vision de la question par ici, parce qu’au train où vont les choses, il va devenir de plus en plus périlleux s’oser sortir son vélo dans les grandes villes, y compris sur les voies cyclables.
Autre problème, celui de la « gentrification » ou de la « SUVisation » des vélos électriques. Comme c’est le cas pour la voiture, on a tendance à assister à une inflation du poids et des équipements, et surtout de l’encombrement. Je veux surtout parlers des vélos-cargo, qui, s’ils vont peut-être devenir indispensables et incontournables dans le paysage urbain pour des besoins professionnels (livraisons du dernier kilomètre), commencent à gagner aussi en popularité auprès des particuliers, et pas forcément pour de bonnes raisons, puisque – hormis le transport d’enfants – on les voit assez fréquemment circuler à vide. Ce qui pourrait vite à terme poser un problème d’occupation de l’espace public, que ce soit en circulation mais surtout en stationnement.
Enfin, comme nous avons déjà eu l’occasion de l’évoquer dans un précédent article, les speed-bikes, et surtout certains comportements à leur bord, peuvent également être source d’insécurité et de conflits potentiels. Il n’est pas question ici de désigner une catégorie particulière d’usagers ni de machines, et les speed-bikes restent des engins formidables, mais il arrive que certains de leurs possesseurs s’affranchissent quelque peu de leurs règles et obligations, notamment celle qui veut qu’ils soient interdits de voies cyclables. De ce point de vue, tous ceux qui vélotaffent quotidiennement en milieu urbain constatent régulièrement qu’ils se font frôler dans un souffle par une de ces machines lancées à près de 50 km/h. C’est beau, ça va vite, mais il vaut mieux éviter de faire un écart quand on en croise un ou qu’il arrive dans votre dos, car on a un peu l’impression d’être sur une autoroute allemande au volant d’une clio…
Une fois que l’on aura totalement supprimé l’automobile des centre-villes, faudra-t-il en arriver à utiliser l’espace gagné pour créer des voies et des parkings spéciaux par usage de vélocipède ?
Face à ces défis, il est essentiel de trouver un équilibre entre l’encouragement de l’usage du vélo électrique comme moyen de transport écologique et la prise en compte des problèmes qu’il peut engendrer en milieu urbain. Une meilleure réglementation, la mise en place d’infrastructures adaptées et la sensibilisation des utilisateurs sont des pistes à explorer pour garantir un développement durable et sécurisé du vélo électrique dans nos villes.
Le développement et l’intégration du vélo à assistance électrique dans le paysage dépendront de notre capacité à prendre en compte la diversité des usages et à résoudre les problèmes émergents, afin que les rues de nos villes deviennent des espaces sûrs et accueillants pour tous les cyclistes, quelle que soit leur pratique.
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