Le secteur des véhicules intermédiaires est prometteur, mais il reste beaucoup d’obstacles à leur adoption massive en vue de décarboner les transports individuels.
Toutes celles et ceux qui se préoccupent de mobilités plus propres et de modes de déplacements individuels urbains décarbonés s’intéressent de près à toutes les initiatives de ce secteur, faites d’innovation et de sens pratique.Au-delà du vélo à assistance électrique et de la trottinette électrique, l’offre en matière de véhicules intermédiaires ne cesse de s’étoffer. Dans le cadre du podcast hebdomadaire Automobile Propre, j’ai eu une conversation avec Aurélien Bigo, chercheur indépendant sur la transition énergétique des transports, et co-auteur d’un dossier de 40 pages sur l’avenir des véhicules intermédiaires (le lien vers le dossier – payant – est disponible sur la page du podcast).
L’occasion de constater que ce secteur est en forte évolution, tant par la diversité de l’offre que par l’ingéniosité de certaines solutions proposées. L’occasion de s’interroger aussi sur la voie prise par les constructeurs automobiles, qui semblent vouloir absolument dupliquer sur toutes les strates du marché le modèle de voiture que nous connaissons depuis plusieurs décennies en « remplaçant » seulement l’énergie thermique par l’énergie électrique.
Donc des véhicules lourds, luxueux et puissants, alors que l’usage quotidien essentiellement péri-urbain avec des trajets de quelques kilomètres serait davantage propice à des véhicules légers, sobres et peu gourmands en énergie.
Le dossier « L’avenir des véhicules intermédiaires » résume d’ailleurs très bien cette situation : « Près de la moitié des automobiles vendues aujourd’hui sont des SUV suréquipés, peu aérodynamiques et lourds. Les véhicules
électriques qui se vendent le mieux sont aussi les plus pesants. Quant aux deux-roues motorisés, ils ont vu leur poids doubler en 60 ans. Tous ces engins transportent désormais essentiellement leur propre masse, même les rares fois où ils sont utilisés à pleine capacité. Cet énorme gâchis ne peut être durable : les avantages apportés par l’électrification du parc, déjà insuffisants pour parvenir aux objectifs français de réduction des émissions de gaz à effet de serre, sont rognés par cet embonpoint. »
Le vélo à assistance électrique, qu’il soit limité à 25 km/h ou plus puissant (speed-bike ou speedelec) coche à peu près toutes les cases de cet usage pour le transport individuel, tandis que le vélo-cargo peut satisfaire les besoins de celles et ceux qui ont des enfants ou quelques marchandises à transporter.
Mais le VAE, malgré toutes ses qualités et sa praticité, ne couvre pas l’ensemble des besoins. Certains sont encore – et seront toujours – réticents à utiliser en vélo, a fortiori en milieu urbain, pour de multiples raisons, dont certaines parfaitement compréhensibles et légitimes.
Pour cette partie de la population, il existe donc des alternatives un peu plus « sécurisantes » et confortables, les véhicules intermédiaires. De quoi s’agit-il ? En fait, la classification est assez complexe car le secteur est déjà très réglementé et classé en 7 catégories, de L1e (speedelec) à L7e (les mini-voitures de type Citroën AMI).
Entre les deux, 5 classes de véhicules qu’on a parfois un peu de mal à catégoriser mais qui correspondent chacun à une norme bien définie. Ainsi les deux-roues, trois-roues et quatre-roues motorisés (avec habitacle) entrent respectivement dans les catégories L2e L3e L5e, alors que les véhicule ultralégers d’un poids inférieur à 100 kg correspondent à la classe L6e-A, et les voiturettes L6e-B.
Pas toujours facile de s’y retrouver mais une chose est sûre, comme l’explique le rapport, entre le vélo classique et la voiture classique, il existe un énorme écart de poids et de puissance que tentent de combler les véhicules intermédiaires.
Une catégorisation qui, toujours selon les auteurs du rapport, mériterait une clarification, ou une autre segmentation entre véhicules « passifs », ceux qui sont mus exclusivement à l’aide d’un moteur électrique et de l’énergie des batteries sans effort humain, et véhicules « actifs », ceux qui nécessitent la force musculaire pour se déplacer (en gros ceux où il faut pédaler) .
Ce manque de lisibilité dans l’offre des vélomobiles nuit probablement à une plus grande adoption de la part du grand public.
Mais ce n’est pas la seule raison. Il y a d’autres freins probables à une conversion massive vers ce mode de déplacement. Nous en identifions au moins trois.
Nous avons déjà eu l’occasion de voir que le parking d’un simple VAE n’est pas toujours chose aisée quand on est confronté au risque de vol. Nombre d’entreprises ou d’espaces de coworking interdisent de garer son vélo en intérieur, à proximité de son poste de travail, pour des questions de sécurité et de circulation. Il est donc impératif de disposer d’une solution sécurisée, idéalement un garage à vélos verrouillé pour garer sa monture pendant les heures de travail. Si c’est déjà compliqué avec un VAE, qu’en serait-il avec un véhicule intermédiaire à 3 ou 4 roues ayant une emprise au sol presque équivalente à la moitié d’une petite voiture citadine ? Où garer ce type d’engin, qui ne rentre ni dans un ascenseur, ni dans un garage à vélo, ni dans un appartement ? Dans la rue ? Mais où ? Sur le trottoir, sur la chaussée, à une place réservée aux autos ? On en parle peu, mais la question du stockage de ces engins va se poser avec acuité dans un avenir assez proche.
Selon leur poids, leur puissance et leur taille, certains véhicules intermédiaires sont habilités à emprunter les pistes et voies cyclables. Mais là aussi se pose la question de la cohabitation – et donc de la sécurité – avec les autres usagers, en raison de leur encombrement. Certains passages de pistes cyclables sont déjà assez difficilement négociables à vélo, qu’en sera-t-il avec un vélomobile de 50 à 100 kg à trois ou quatre roues ? Autre point concernant la sécurité, celui du roulage sur la chaussée partagée avec les voitures. Autant l’agilité d’un vélo et l’emprise au sol limitée d’un VAE permettent de se sortir rapidement de certaines situations délicates, autant dans un engin intermédiaire à quatre roues limité à 25 km/h avec deux personnes à bord sur une grande avenue avec un flux de circulation important peut s’avérer particulièrement périlleux.
C’est peut-être – et comme souvent – la question essentielle puisqu’elle touche directement le portefeuille. Après la publication de notre podcast, j’ai reçu plusieurs commentaires par email, dont un qui faisait état d’un sujet que nous n’avons pas abordé dans l’interview car ce n’était pas la vocation centrale du rapport, celui du prix. Et là aussi il y a encore de la marge avant que les véhicules intermédiaires deviennent mainstream, comme l’indique cet auditeur dont je reprends quelques éléments de son argumentaire in extenso avec son autorisation :
J’ajouterai à cela un véhicule assez emblématique puisqu’on le retrouve régulièrement dans les médias et salons spécialisés, à tel point que cela commence à tourner à la blague puisque les pré-commandes sont ouvertes depuis plus d’un an pour une production qui devait commencer au printemps 2022, le Frikar de Podbike, que j’ai eu l’occasion d’essayer sur le salon EVS35 à Oslo en juillet dernier. Difficile d’avoir un prix officiel sur le site du constructeur (comme malheureusement trop fréquemment avec ce type de projet) mais on sait qu’il devrait tourner au minimum entre 7 000 et 10 000 euros. Un produit très alléchant, mais beaucoup trop cher.
Ou en tout cas beaucoup trop cher si l’on se place dans la perspective de remplacer un vélo. Moins cher si c’est pour remplacer une deuxième voiture (voire une seule voiture), mais dans ce cas beaucoup plus limité en capacités et en rayon d’action qu’une Citroën AMI, une Microlino, ou une Silence SO4.
Alors, que conclure de tout cela ? Que le secteur grandissant du véhicule intermédiaire représente une opportunité remarquable de remplacer la voiture traditionnelle en usage urbain tout en conservant une partie de son confort et de sa protection, mais qu’il faudra encore faire évoluer les mentalités et les infrastructures pour que tout ce petit monde cohabite paisiblement sur la voie publique. Et que les prix baissent de façon significative.
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