Nous avons vu récemment les principales raisons pour lesquelles on peut encore hésiter à passer au vélo. Parmi elles, des motifs de sécurité ou de confort qui peuvent être légitimes et parfaitement compréhensibles.
Même s’il est difficile d’obtenir des statistiques précises sur le sujet, les dernières données officielles de l’enquête « Cadre de vie et sécurité » de l’Insee remontent à 2018 et indiquent un total de 361 000 vols. Mais selon d’autres sources, comme par exemple le ministère de la Transition écologique, le nombre de vélos volés par an serait d’environ 300.000. Le site Veloperdu.fr estime quant à lui que 1076 vélos sont volés chaque jour en France, soit 400.000 par an. Il se pourrait cependant que la réalité soit bien au-delà de ces chiffres. Difficile dans ce contexte d’imaginer investir dans une machine coûtant de 500 à plus de 3000 euros – si l’on opte pour un bon VAE – en se disant que sa durée de vie en stationnement dans la rue sera probablement seulement de quelques heures. Et bon courage pour l’assurer contre le vol.
Et, bien évidemment, toujours selon la même source, le phénomène ne touche pas que la France. Chaque année, on estime que 2,9 millions de bicyclettes sont volées en Europe, selon plusieurs études nationales et les chiffres communiqués par la police locale. 900 000 vélos sont volés aux Pays-Bas, 686 000 au Royaume-Uni, 600 000 en Allemagne, et 100 000 au Danemark et en Belgique.
Les conséquences du vol sont sans surprise.
Or, à force de pratiquer et de côtoyer toutes sortes de cyclistes, il m’apparait comme de plus en plus évident que la raison qui revient le plus souvent comme un repoussoir est le problème (ou la crainte) du vol. Le pire étant que cette angoisse permanente touche d’abord celles et ceux qui se déplacent déjà régulièrement à vélo et qui ont un moyen sécurisé de parquer leur bécane, soit chez eux, soit à destination. C’est notamment le cas d’une grande partie des vélotaffeurs.
Malheureusement, en dehors de ces trajets parfaitement balisés, nombre de celles et ceux qui se déplacent à vélo la semaine pour se rendre au travail n’utilisent pratiquement pas leur vélo en dehors de ce contexte à cause de la hantise du vol. Car non seulement le vélo est devenu un outil de travail, mais il est souvent pratiquement impossible de l’assurer contre le vol. Ou en tout cas difficile, ou à des tarifs dissuasifs. Un vol équivaut donc à une double peine, financière et logistique.
Partant de ce constat, il est compliqué, en dehors d’un usage de trajet domicile-travail d’imaginer utiliser son vélo pour des activités de loisirs si ces dernières supposent que l’on doive le laisser parqué quelque part sans surveillance. Exit donc les sorties au restaurant, au cinéma, au musée, ou même les balades à pied en centre-ville après avoir attaché son précieux avec un antivol qui n’a souvent d’antivol que le nom. A fortiori s’il s’agit d’un VAE qui a coûté entre un et trois SMIC.
Résultat, on ne prend pas son vélo alors que ce serait tellement plus agréable, et soit on se prive de sortie, soit on prend les transports en commun quand c’est possible, soit on prend… sa voiture. Bref, un beau gâchis.
Par conséquent, il serait grand temps que les politiques et élus locaux – qui se prévalent d’ambitieuses stratégies de développement des mobilités douces – prennent enfin réellement ce problème à bras-le-corps au lieu de cacher la poussière sous le tapis, et proposent de vraies solutions pour que leurs injonctions à se déplacer à vélo soient réellement suivies d’effets. Car, à un certain point, le sujet devient politique, et devrait être intégré dans tout plan visant à réduire la place de l’automobile en ville, au même titre que le développement de pistes cyclables et de chaucidous. Or, en l’état, l’on n’a pas vraiment l’impression que ce soit le cas. En d’autres termes : « Soyez écolo, faites du vélo, et tant pis pour le vol, ce n’est pas notre problème ».
En remontant un peu le fil de l’histoire des incivilités, on se souvient que le principal fléau dans les années 80/90 était celui du vol des auto-radios. Un problème qui semblait insoluble et qui générait d’improbables contraintes. Aujourd’hui il a totalement disparu, non pas grâce aux politiques, mais simplement à la technologie.
Alors d’accord, il serait un peu injuste de prétendre que les politiques ne font rien, puisqu’une première mesure en faveur de la protection contre le vol a été mise en place fin 2020 avec l’obligation de marquage des vélos. C’est un bon début, mais il n’est pas interdit de faire mieux, d’aller plus loin dans la volonté politique.
Sans tomber dans un solutionnisme béat, il semble que de nombreuses pistes soient possibles pour éradiquer le vol de vélos, notamment en ville. Et que ces solutions pourraient être promues, voire soutenues par les collectivités locales, puisque nous sommes au pays des subventions tous azimuts.
De quelles solutions parlons-nous ? De traçabilité, de parcage sécurisé, et de partage d’espace entre particuliers. Autant de solutions « sociales » qui semblent peu faire l’objet de l’attention des autorités compétentes.
A défaut de pouvoir empêcher totalement le vol de son vélo, pouvoir le suivre et le localiser afin de le récupérer constituerait déjà un progrès important. Certains vélos connectés (Angell…) intègrent d’origine un traceur GPS qui permet de les retrouver en cas de vol. La généralisation de ce dispositif à tous les vélos au-delà d’un certain prix, ainsi qu’une campagne de communication et de sensibilisation, permettrait probablement de refroidir les ardeurs des voleurs. Encore faudrait-il que ce traçage soit suivi d’effet de la part des forces de l’ordre, et de sanctions judiciaires. Ce qui est loin d’être gagné…
Pour dissuader le vol de vélo, il faut imaginer des systèmes totalement inviolables et dissuasifs. Donc, comme pour les voitures, des box ou parkings fermés, vidéo-surveillés, avec un dispositif d’accès à carte sur abonnement. Ce type de service existe déjà et est à notre avis appelé à se développer. On trouve des espaces dédiés, fermés et accessibles par carte sur abonnement dans les parkings de Lyon Parc Auto. Aux États-Unis, Bikelink propose également ce type de système.
Cela n’existe pas à notre connaissance, mais pourrait probablement être un concept à développer. Pensez à une sorte de Airbnb du parking de vélo, qui fonctionnerait ainsi : une personne dispose d’un surplus d’espace inexploité dans son garage, voire son appartement. Elle l’inscrit dans une application pour le mettre à disposition d’un cycliste moyennant (ou pas) une petite indemnité de parking. Le cycliste trouve les espaces disponibles via la géolocalisation dans l’application, et peut réserver. Un système qui pourrait très bien fonctionner chez certains commerçants ayant des m2 libres, et même des entreprises, à l’image d’un Zenpark pour les voitures.
Il reste probablement de nombreuses pistes pour éradiquer le fléau du vol de vélo, bien au-delà des trois exemples mentionnés ci-dessus. Elles proviendront comme très souvent d’initiatives privées. Mais puisque les gouvernements affichent de façon unanime une volonté déterminée d’inciter les populations à aller vers les mobilités douces, et transforment un sujet technique en sujet politique, il ne parait pas déplacé de leur demander un petit coup de pouce en faisant l’effort d’étudier toutes les solutions, voire d’en imaginer de nouvelles.
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