A l’occasion du salon EICMA 2024, Cleanrider a pu s’entretenir avec Sam Paschel, CEO de Zero Motorcyles. L’occasion de revenir sur le développement du marché de la moto électrique en Europe et sur la nouvelle stratégie « All Access » de la marque.
Zero change d’échelle. Longtemps concentrée sur le développement d’une gamme de motos électriques premium, la marque fondée en 2006 en Californie a décidé de se lancer sur des segments plus « grand public » avec une nouvelle gamme de motos électriques à moins de 10000 euros. Une ambition qui s’est traduit à EICMA par la présentation de trois véhicules : la Zero Neutrino, un petit roadster électrique, et les Zero XB et XE, qui lancent la marque sur le segment de la moto enduro électrique. Un tournant historique que nous détaille Sam Paschel, PDG de l’entreprise.
A EICMA 2024, Zero a annoncé une nouvelle stratégie « All Access », basée sur le lancement d’une nouvelle gamme abordable. Pourriez-vous nous la détailler ?
Depuis le début, la stratégie de Zero Motorcycles a toujours été d’amorcer la marque sur le haut de gamme, puis de passer aux moyennes et faibles puissances afin d’ouvrir l’accès à la technologie à davantage de consommateurs.
All Access représente l’expansion la plus agressive de notre gamme de produits depuis la création de l’entreprise. Vous avez pu en découvrir une partie à EICMA et je suis impatient de vous parler des autres véhicules que nous lancerons au cours des deux prochaines années. Tous seront à moins de 10 000 €. Il ne s’agira pas d’une plate-forme unique déclinée en plusieurs variantes mais bien de six plates-formes totalement différentes qui cibleront différents segments et groupes d’utilisateurs.
Dans ce cadre, pourrions-nous aussi imaginer un scooter électrique Zero ?
Je ne parle pas de développements au-delà de ce que nous avons présenté à EICMA. Ce que je peux vous dire, c’est qu’à mesure que nous évoluons vers des groupes motopropulseurs à faible puissance, nous sommes en mesure d’atteindre différents objectifs de coût pour augmenter l’accès à notre technologie. Un scooter est quelque chose que nous envisagerons absolument. Mais pas dans la phase actuelle.
Votre concurrent Energica a été récemment placé en liquidation ? Est-ce une bonne nouvelle pour le marché de la moto électrique ?
Tout d’abord, je suis un fan de toutes les marques qui se lancent et s’engagent à fabriquer des motos électriques de haute qualité. Je soutiens ces entreprises et je suis attristé d’apprendre les difficultés d’Energica. C’était un concurrent, mais il fabriquait de bons produits et se souciait de ses consommateurs. Le marché de la moto électrique reste un marché difficile, surtout en jouant uniquement sur un segment premium comme ils le faisaient.
Chez Zero, nous avons la chance d’avoir un partenaire à long terme qui investit depuis 10 ans dans l’entreprise. Nous sommes très économes dans nos dépenses et avons lancé un nouveau cycle d’investissement. Nous avons déjà obtenu 100 millions sur un maximum de 120 millions de dollars. Il n’est pas encore terminé, mais nous venons d’obtenir le financement dont nous avons besoin pour avancer dans le futur et pour mettre en œuvre la stratégie que vous m’avez vue présenter aujourd’hui.
Que représente le marché européen pour une marque mondiale comme Zero Motorcycles ? Quelles perspectives envisagez-vous avec cette nouvelle stratégie « All Access » ?
Aujourd’hui 65 à 70 % de notre activité se fait désormais en Europe. Plusieurs raisons expliquent cela. Depuis longtemps, les consommateurs européens ont compris que, parfois, les deux roues sont une bien meilleure solution pour se déplacer d’un endroit à un autre. C’est donc un meilleur marché pour le deux-roues en général. Ensuite, l’adoption des véhicules électriques dans l’UE est plus forte et les investissements dans les infrastructures ont été plus importants, tout comme les incitations (par rapport aux Etats-Unis ndlr).
Nous sommes déjà bien positionnés sur le premium et voyons encore plus d’opportunités dans les véhicules de moyenne et faible puissance. Mais nous savions qu’il nous fallait perfectionner la technologie, construire la marque et le réseau de distribution avant de nous lancer. Notre modèle est proche de Tesla. Pour construire la marque, Tesla a commencé par lancer la Model S et le Model X qui ont inspiré les consommateurs sur ce qu’il était possible de faire dans le segment haut de gamme avec des véhicules électriques hautes performances. Puis, ils sont passés aux Model 3 et au Model Y, où le marché adressable est beaucoup plus large. C’est là que le bond en avant s’est produit ! Zero Motorcycles en est au même stade aujourd’hui. Avec All Access, nous parlons de marchés adressables qui sont 20 à 30 fois plus grands que ceux sur lesquels nous évoluons aujourd’hui.
Kawasaki, LiveWire, Can-Am, Royal Enfield… de nombreuses marques arrivent sur le segment de la moto électrique ? Comment appréhendez-vous l’arrivée de cette concurrence ?
On me pose souvent cette question et ma réponse est toujours la même : plus il y aura de gens qui s’engageront à fabriquer des produits électriques de haute qualité, plus l’adoption des véhicules électriques augmentera. La marée monte et soulève tous les navires. Plus les marques parlent de fabriquer des véhicules électriques de haute qualité, plus les consommateurs auront accès à des expériences de conduite électrique de haute qualité et plus ce segment du marché se développera rapidement. Je soutiens ces marques et reste convaincu que nous obtiendrons plus que notre juste sur un marché en croissance plus rapide.
Sur un deux-roues comme sur une voiture, la batterie reste le nerf de la guerre. Certains constructeurs automobiles étudient l’usage de batteries solides. Est-ce que c’est aussi une piste que vous envisagez ?
Sur les batteries, nous avons une feuille de route technologique à long terme. Nous gardons un œil sur le marché, nous assistons à des conférences et suivons l’évolution des technologies.
Sur les batteries solides, il faudra encore du temps. La chaîne d’approvisionnement et la fabrication doivent évoluer pour parvenir à produire en volume. Entre un prototype et l’adoption de la technologie sur un véhicule à quatre roues commercialisé, il faudra plusieurs années. Ce n’est qu’après cela qu’on pourra envisager d’adapter la technologie aux deux roues.
Entre un véhicule à deux et quatre roues, les besoins en matière de batterie sont très différents. Les constructeurs automobiles ont de la place pour loger des milliers de cellules à bord d’un véhicule. Individuellement, chaque cellule n’apporte que très peu de puissance. Sur une moto, nous devons faire le même travail dans une batterie qui s’insère entre les jambes du conducteur avec un nombre de cellules beaucoup moins élevé et à la densité de puissance plus importantes. Cela reste donc des chimies, des systèmes de gestion et des architectures générales très différentes.
Donc, même si la batterie solide peut convenir à un véhicule à quatre roues, il faut voir si la technologie est viable avec les exigences d’un deux roues. La réponse courte, c’est que la batterie solide pour les deux roues n’arrivera probablement pas avant 10 ans. En attendant, nous continuons de garder un œil sur toutes les technologies.
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