Kleuster Freegônes : on a piloté cet incroyable vélo cargo électrique destiné à la livraison et au fooding

Kleuster Freegones Renault Trucks

Kleuster nous a fait tester le Freegônes, un vélo cargo électrique à destination des pros qui peut aussi bien se muer en transporteur, qu’en benne à ordure ou encore en food-truck. Sortant des usines de Renault Trucks, dans la région lyonnaise, cet étonnant cargo se positionne comme une réponse à la multiplication des ZFE et à l’explosion des livraisons du dernier kilomètre.

Le vélo cargo a véritablement le vent en poupe. Avec une hausse du volume de vente de l’ordre de 96 % l’année dernière, il conquiert de plus en plus de familles soucieuses de transporter enfants ou courses sans avoir à utiliser leur voiture. Il s’impose également du côté des professionnels pour lesquels il représente une véritable alternative aux véhicules utilitaires à carburant dans un environnement urbain où les ZFE se multiplient et où la demande en livraison se fait de plus en plus importante.

Kleuster mise sur l’industrialisation et le réseau de Renault Trucks pour s’imposer

La start-up lyonnaise Kleuster a bien compris ce virage il y a 11 ans de cela en développant son Freegônes, un vélo cargo triporteur électrique conçu pour accueillir différents types de cellules chargement. De quoi répondre aux multiples usages des professionnels, notamment à vocation BtoB. Il y a un an, l’entreprise s’est assez naturellement associée à Renault Trucks, située à Vénissieux, pour industrialiser sa production. Un avantage qui permet à Kleuster d’être particulièrement flexible et agile pour adapter ses capacités de production.

Pour Renault Trucks – qui est en réalité une filiale du groupe Volvo –, dont l’usine fabriquait jusqu’ici essentiellement des moteurs, cette diversification est la bienvenue et assez stratégique. D’ici à quelques années, la demande en moteurs thermiques pour les véhicules utilitaires devrait baisser, la transition vers l’électrique battant son plein. Entamer la reconversion du site est ainsi assez stratégique pour perdurer dans le temps.

Une chaîne d’assemblage dans le campus Renault Trucks pour gagner en flexibilité

Renault Trucks nous a justement fait visiter la chaîne d’assemblage de 2 100 m² dédiée à Kleuster. Avec une capacité actuelle de production de 200 vélos cargos par an, on est encore loin d’une industrialisation fonctionnant en 3×8. Non, ici ce sont 12 salariés volontaires qui ont déposé les outils de la chaîne d’assemblage de moteurs pour se charger des cargos de Kleuster.

On découvre alors un premier point : le Freegônes a été développé pour qu’une seule base puisse être utilisée sur les différents types de cellules de chargement. Renault Trucks voit ainsi sa tâche industrielle simplifiée, de quoi avoir de la volumétrie et une meilleure cadence sur la ligne d’assemblage, selon Pierre-Louis Dumas, directeur technique de Kleuster.

Renault Trucks accompagne par ailleurs Kleuster sur l’ensemble du processus d’industrialisation, en appliquant notamment ses normes de fabrication et de sécurité. Cela passe, par exemple, par la règle des 12 kg, poids maximal pouvant être supporté par les ouvriers. Différents chariots ont ainsi été spécifiquement développés pour manipuler les différents éléments du vélo lors de son assemblage. Et si le déplacement de ces chariots est manuel, ils ont été conçus pour accueillir un système de déplacement automatisé. Un tel système sera indispensable dès lors que la cadence de production devra s’élever.

Un objectif de 10 % de parts de marché d’ici à 2025

Pour l’heure, Gérard Têtu – fondateur de Kleuster – nous indique que les volumes de production (on parle de 200 cargos produits d’ici à la fin de l’année) ne justifient pas encore le passage à une automatisation de certains process d’assemblages et de manutention. Mais tout est donc prêt pour absorber la montée en cadence attendue dans les prochains mois, voire années. La flexibilité offerte par l’industrialisation opérée par Renault Trucks permettrait ainsi de monter jusqu’à 2 400 unités produites annuellement.

Car le marché du vélo-cargo BtoB est, comme celui destiné aux particuliers, en plein essor. En 2024, le marché serait de 4 000 unités, selon les chiffres donnés par Kleuster. Sur ce volume, l’entreprise lyonnaise espère s’accaparer 7 % de parts de marché, soit 280 Freegônes. L’objectif de l’entreprise est de grimper à 10 % de parts de marché en 2025, où 5 000 cargos pros devraient être vendus, ce qui augurerait une belle montée en cadence dans l’usine de Renault Trucks qui n’assemblerait pas moins de 500 Freegônes.

Kleuster peut par ailleurs s’appuyer sur le réseau de distribution de Renault Trucks pour gagner des parts de marché. Les Freegônes sont ainsi proposés dans 250 points de vente de Renault Trucks, qui se chargent également d’absorber les demandes de maintenance. Une relation gagnant-gagnant donc, Kleuster bénéficiant d’un large réseau de distribution et Renault Trucks bénéficiant d’une offre complémentaire à ses utilitaires plus conventionnels.

Pour la suite, Kleuster entend bien aller chercher des ventes à l’étranger. Aux Pays-Bas dès 2024, mais également en Allemagne, au Royaume-Uni ou encore en Belgique dans les deux prochaines années. De quoi permettre d’augmenter encore un peu plus la cadence de production.

Un tarif conséquent pour un amortissement rapide

Kleuster Freegones Renault Trucks

Mais en dehors de ces considérations industrielles, quelle est la réalité du Freegônes ? À quoi ressemble ce vélo-cargo ? Combien coûte-t-il ? Quelles sont ses caractéristiques techniques ? Et surtout : est-il agréable à conduire ? Fidèle à ses habitudes, Cleanrider n’a pas hésité une seule seconde lors de l’invitation de Kleuster à essayer, en plein cœur de Lyon, ce vélo triporteur électrique.

Le prix tout d’abord. S’il fait souvent l’objet de location longue durée via un partenariat avec Clovis Location France, le triporteur peut aussi être acheté comptant moyennant un panier compris entre 17 000 € et près de 30 000 € en fonction des options choisies et, surtout, du type de cellule. La somme peut paraitre élevée, mais on reste toutefois sur un produit professionnel où normes de qualité et robustesse font évidemment grimper le prix en flèche.

Surtout, Gérard Têtu nous rappelle qu’un chauffeur-livreur est, en moyenne, synonyme de 10 000 € de contraventions annuelles, frais de stationnement et autres sinistres. À cela, s’ajoutent les 22 mn passées en moyenne à chercher une place de stationnement pour chaque livraison. Sans compter le prix du carburant, évidemment. De tels problèmes s’évaporent en recourant à un vélo cargo électrique : plus de contraventions, pas de frais de stationnement et il ne faut que 8 à 15 secondes pour stationner le Freegônes, accélérant ainsi assez rapidement le retour sur investissement. Cela, d’autant plus que, selon les chiffres communiqués par Kleuster, ce sont deux fois plus de colis qui peuvent être livrés chaque jour avec ce moyen de transport.

Freegônes : six variantes différentes, du conteneur au food-truck

Six cellules différentes sont proposées. En premier, la cellule sèche (45 % des ventes) permettant de transporter un volume de 2 m³ et jusqu’à 300 kg de charge utile ; une variante frigorifique est aussi proposée (200 kg de charge et 1,3 m³ de volume). Vient ensuite notre préférée (ne demandez pas pourquoi) avec la cellule benne à déchets qui peut transporter 1,2 m³ et 250 kg de charge avant de pouvoir être déversé semi-automatiquement dans un camion benne. Une cellule plateau polyvalente peut aussi être montée avec 300 kg de charge utile ou 200 kg si la station de nettoyage haute pression est montée.

Enfin, Kleuster propose également une cellule food, autrement personnalisable, pour créer un véritable « food-truck » vélo cargo électrique. Ce module peut être adapté en fonction de l’activité, qui peut aussi bien être lié aux cafés, aux glaces, snacking et nous en passons. Tout est prévu pour ce type d’activité : panneau solaire pour alimenter l’éclairage du store, fonctionnement sur batterie ou réseau, gestion du froid positif ou négatif sur batterie et nous en passons.

Jusqu’à 80 km d’autonomie et une très bonne maniabilité

Côté technique, le vélo s’appuie sur un moteur 250 W issu d’un équipementier asiatique et répondant à un cahier des charges assez précis de Kleuster. La batterie a été dimensionnée pour pouvoir assurer de 60 à 80 km d’assistance électrique. De technologie LFP (lithium-fer-phosphate), celle-ci est d’une capacité de 5,2 kWh. Kleuster nous affirme par ailleurs que la conception de cette batterie permet aux centres de maintenance de changer chaque cellule indépendamment. Une réparabilité à toute épreuve plutôt appréciable.

Monovitesse et doté d’une large courroie, le Freegônes est capable d’assister le pédalage jusqu’à 15 km/h. Un mode boost permet de passer ponctuellement à 18 km/h. Le freinage est assuré par des freins à disque à quatre pistons et une cabine permet au conducteur de ne pas être gêné par le vent ou la pluie. Un système d’éclairage complet est présent avec, en point d’orgue, des clignotants intégrés. Des caméras de recul complètent l’ensemble, permettant ainsi de garder un œil sur chaque côté du véhicule ainsi qu’à son arrière. Côté dimensions, c’est fonction de la cellule de chargement. La longueur s’étale ainsi entre 3,2 m et 3,55 m. La largeur est en revanche fixe, à 1,1 m.

L’essai de Cleanrider : un cargo de livraison assez fun à piloter

Kleuster Freegones Renault Trucks

Et sur la route alors, ça donne quoi ? Nous avons pu passer un peu plus d’une heure à piloter la version à cellule sèche dans les rues de Lyon et force est de constater que le Freegônes est diablement fun à conduire. La direction se montre particulièrement habile et, si la selle pourrait gagner un peu en confort, on apprécie la suspension hydraulique de la fourche avant au large débattement (100 mm). Un bouton d’aide à la marche permet par ailleurs de manœuvrer le cargo sans être assis dessus, à faible vitesse – avec bip de recul évidemment. Parfait pour le garer parfaitement ou entrer en marche arrière dans un endroit serré.

Côté motorisation, les sensations sont assez uniques. De par la présence de la cargaison, ça secoue dès les 10 km/h, mais on ne se retrouve jamais dans une situation inquiétante sur la stabilité de l’ensemble. Car avec ses larges pneus arrière, et son châssis bien pensé, le Freegônes est admirablement stable. Prendre appui dessus avec un pied, lui faire grimper à moitié un trottoir ou passer sur des chemins cabossés : rien ne lui fait peur et on reste réellement en confiance quant à sa capacité à rester bien droit.

Le moteur est pour sa part infatigable. Si l’absence de vitesse peut faire un peu peur de prime abord, il s’avère en réalité que l’assistance est telle que l’on pédale finalement toujours sans réel effort musculaire. Un départ arrêté dans une pente à plus de 15 % nous ont par ailleurs permis d’apprécier sa belle réactivité, en nous faisant repartir et gravir la montée sans aucun effort (avec cargaison à vide toutefois). En revanche, le bruit généré par le moteur est fatigant. Le niveau sonore est particulièrement élevé, dérangeant nos oreilles même dans de fortes conditions de circulation.

Et si cette motorisation est bruyante, elle peut néanmoins s’enorgueillir de pouvoir fonctionner presque sans pédalage. Un mode « boost » est ainsi présent, appelé « régulateur de vitesse » par Kleuster. Une fois enclenché, il faut continuer à pédaler, mais le moteur agit tout seul pour porter l’ensemble à 18 km/h. Particulièrement utile sur les longues lignes droites sans circulation, ce mode est assez peu naturel à l’utilisation avec une très nette sensation de pédalage dans le vide. Par ailleurs, le moindre micro-arrêt de pédalage désactive le mode en question. Le ralentissement est alors très marqué, le système étant équipé d’un frein régénératif.

Côté instrumentation de bord, un large écran donne toutes les informations utiles au conducteur. L’écran est toutefois assez peu visible, surtout en plein soleil. Il en va de même pour les caméras de recul dont le retour vidéo est positionné en haut du large pare-brise. Des points qui pourront être retravaillés à l’avenir par Kleuster, comme le mauvais accès à la sonnette, pourtant cruciale lorsque l’on évolue en ville.

Surtout, le système sera bientôt connecté. Le fabricant travaille au développement de toute une couche logicielle à destination des gestionnaires de flottes. De quoi leur permettre d’avoir un œil sur la localisation des différents Freegônes, et ainsi optimiser leurs déplacements.

Kleuster Freegônes : une solution flexible pour évoluer sereinement en milieu urbain

Au final, le Kleuster Freegônes nous a étonnés dans la rapidité de sa prise en main. Quelques heures semblent suffire à maîtriser le bolide pour arpenter les rues les plus congestionnées des grandes villes. Habile, il est par ailleurs assez endurant pour tenir plusieurs heures avant de passer par la case recharge. Lors de notre périple, réalisé à vide et sans temps mort, nous avons ainsi parcouru 10 km environ pour 20 % de batterie consommée ; assez loin de la promesse initiale, mais cela dépendra évidemment de plusieurs facteurs.

Kleuster propose avec le Freegônes une solution aboutie pour répondre à une vraie demande BtoB. L’entente initiée avec Renault Trucks est pertinente dans un marché à fort potentiel où il faudra savoir être réactif pour répondre à une demande qui pourra intervenir en dents de scie. Le produit en lui-même, s’il n’est pas parfait, étonne par sa modularité, sa puissante et son agilité. Et si le marché devient de plus en plus concurrentiel – Toyota s’est, par exemple, associé avec Douze Cycles – nul doute que l’association Kleuster / Renault Trucks est bien outillée pour arriver à se faire une place de choix dans le monde des utilitaires décarbonés, voués à évoluer en ZFE.

Régis Jehl
Régis Jehl

Rédacteur en chef adjoint

Journaliste depuis 20 ans, Régis est Rédacteur en Chef Adjoint de Cleanrider. Il est spécialisé dans les nouvelles technologies, les vélos électriques et passionné d’automobiles électriques. Une mixité d’intérêts qui lui permet d’avoir un attrait naturel pour tout ce qui touche au domaine de la transition énergétique.


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