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L’Incroyable est au vélo cargo ce que la Goldwing est la moto : un engin destiné à transporter des gens sur deux roues, dans le plus grand des conforts. Mais est-ce incroyablement suffisant pour les 3 700 € demandés ?
Confortable, élégant, amusant, facile, le Gaya Incroyable corrige presque tous les défauts de son aîné. Mais à 1 000 € de plus, nous pardonnons moins la transmission sous-dimensionnée et le bruit persistant du moteur. Le produit reste cependant un excellent choix dont l'adoption reposera désormais plus sur le coup de cœur que sur le pragmatisme financier.
C’est en mars 2023 que j’ai essayé le premier modèle de vélo Gaya. Le premier contact fut agréable, assez surprenant dans l’approche, assez agréable dans l’accessibilité aux débutants, et ce, malgré pas mal de défauts inhérents à une première version. Imperfections corrigées en partie au fil des années. Un détail ? Pas réellement, mais nous y reviendrons après. Bref, la jeune marque française était à l’écoute de ses clients et des journalistes. Le premier modèle de Gaya, éponyme, a donc été amélioré 2 ans durant.
Autant dire que j’étais curieux de voir leur nouveau vélo. Car l’Incroyable (c’est son nom) n’a gardé du premier que son identité marquée. Tout le reste est nouveau, y compris le nom, un tantinet prétentieux quand on joue dans la cour des grands comme Tern (par exemple) en termes de tarif.
Une fois n’est pas coutume, nous allons commencer par les différences entre les deux versions, car la première sera toujours commercialisée. Le cadre fin, arrondi, organique, au tube diagonal en col de cygne a laissé place à un cadre plus massif et rectangulaire et toujours en col de cygne. L’idée étant de cacher le câblage au maximum et d’accroître la rigidité. Notre avis : avoir le vélo entre les jambes, pieds à terre, reste délicat compte tenu du poids. La béquille est impérative à placer. D’ailleurs, la manipulation à l’arrêt n’est pas des plus simples. En cause, le poids de presque 40 kg avec la batterie (et sans les enfants). Cela génère une belle inertie à la manœuvre.
Les vélos Gaya sont dotés de deux avertisseurs sonores : une sonnette de vélo traditionnelle qui fait « cling cling » et un klaxon de moto. Le second était à l’extérieur sur l’ancien modèle et avait tendance à s’enrouer quand il pleuvait. Désormais, il est logé dans le phare de moto, l’un des signes caractéristiques du vélo.
« Gaine technique », c’est ainsi qu’est appelé le bloc au niveau du pédalier. Il renferme plusieurs câbles et éléments, dont le connecteur de batterie, mais pas le moteur, toujours cantonné au moyeu de la roue arrière. Est-ce que ça préfigure une version plus haut de gamme avec moteur pédalier ? À l’heure de l’essai, aucune idée. Mais la forme est trop proche d’un carter de moteur pour n’avoir été pensée que comme une gaine technique.
L’idée étant de jouer sur le confort, la fourche avant est dotée d’un débattement de 70 mm. Assez inédit, Gaya a placé un système de galet en élastomère (c’est le matériau à la mode pour amortir des trucs, utilisé également sur les trottinettes comme la Ninebot F3 et la Navee ST3 Pro). Ces deux galets entrent en contact et s’affaissent sur 50 mm (ou 5 cm) et absorbent les chocs.
La batterie a été changée. Elle est grosse, lourde, mais dotée d’une poignée pour être facile à transporter. Elle tient également debout. Son emplacement a également évolué pour faciliter le retrait comme la mise en place. L’écran change aussi. Fini le « display » générique qu’on retrouve sur tous les vélos. Il est désormais plus grand, plus lisible et il centralise toutes les commandes, dont les phares, le klaxon, les clignotants. Ces derniers sont à arrêt automatique.
Les clients Gaya ayant tendance à se partager le vélo, le constructeur a décidé de rendre les réglages pratiques (hauteur de selle et de guidon) plus rapides. Ainsi, ces deux éléments se règlent sans clé. D’ailleurs, la selle a vu sa position basse diminuer, afin de permettre aux personnes de 1,55 m de mettre le pied à terre. Il suffit de jouer avec la selle télescopique pour retrouver par la suite une position de confort.
Les béquilles des vélos cargo sont une plaie. Gaya a légèrement revu la position et les ergots sur l’Incroyable. Je n’ai pas senti de différence, très honnêtement, et le résultat est toujours aussi galère.
L’arrivée du Tourney sur les vélos Gaya n’est pas vraiment nouvelle, puisque cette transmission avait déjà fait son apparition sur la version évoluée du premier vélo de la marque. Nous en reparlerons plus loin, mais ce n’est pas le choix le plus judicieux.
Gaya s’en sort tout de même bien sur cette partie confort. Le vélo paraît « moelleux », surtout pour les passagers à l’arrière. Les pneus de type ballon, associés à ces choix d’amortissement, absorbent les pavés sans mal. C’est agréable, des fesses aux poignets. La position sur le vélo n’est pas trop raide, et ça, c’est cool. En revanche, la rigidité n’est toujours pas son fort et le vélo, lourd de près de 40 kg est difficilement manipulable à l’arrêt. On n’a rien sans rien et la légèreté a un coût non négligeable.
L’adulte de 70 kg que j’ai transporté sur une distance assez courte et plate se sentait à l’aise, malgré une demi-assise, l’autre partie étant dénué de coussin pour y placer le siège enfant. Mais les mouvements du vélo étaient alors assez compliqués à gérer lorsqu’on atteint les 170 kg (même un peu plus requis). Car oui, les 170 kg, moins les 40 kg du vélo ne laissent « que » 130 kg de charge. Soit un adulte de 90 kg et deux enfants de 20 kg chacun. Le Gaya Incroyable se destine surtout au transport de la marmaille. Éventuellement, un ou une ado et basta.
Lors des voyages de 4-5 km avec les deux enfants sur le vélo, le plus petit (tout juste 2 ans) avait rapidement froid à l’arrière. Il faisait environ 9 °C. Gaya ne propose pas de solution pour isoler les enfants. Il faudra donc penser aux cagoules et gants, même si vous, au guidon, n’avez pas froid. Car vous pédalez, et donc bougez, pas les bambins.
L’équipement de l’Incroyable ne s’arrête pas à ces modifications. Les freins, par exemple, sont hydrauliques, de chez Tektro. Là encore, ils sont issus d’une amélioration de l’ancien modèle.
La gaine technique au niveau du pédalier laisse penser à l’implémentation d’un moteur. Il s’avère que pour le moment, elle sert à y loger les câbles et autres éléments à protéger. Qu’importe, c’est accessible et ça favorise la réparabilité ! Cette réparabilité qui a été mise en avant durant la présentation. Il faut avouer que le vélo semble facile à entretenir, excepté ce système d’amortissement par galets.
Comme pour le premier modèle, Gaya a intégré une petite batterie alimentant un traqueur GPS/GSM dans le cadre. Cette dernière assure un mois d’autonomie si la batterie du vélo est retirée et se recharge grâce à elle. Le système est lié à l’application. La géolocalisation fonctionne à merveille, comme l’application d’ailleurs.
Car cette application est une réussite. Autant que la nouvelle version de celle de Tenways d’ailleurs. Tout est lisible, simple, clair, pratique. Il y a moult options pour personnaliser un peu le vélo, sans atteindre le niveau de Trek sur son FX+7, ce qui n’est pas un problème, la cible visée par le vélo étant différente. Le système Axa Lock est fourni de série. Une clé unique pour le locker et la batterie. Locker auquel il est possible d’ajouter une chaine.
Reste les options. Et, ça chiffre, peut-être un peu trop. L’Incroyable est nouveau. Certes. Mais cette nouveauté demande une rallonge de 1 000 € par rapport au premier vélo. À cela s’ajoute les options. Les enfants (car c’est le but initial de l’acquisition de ce vélo) demanderont le kit enfant à 400 €, le siège enfant à 110 € et le panier avant à 40 €. Le tout en fixation MIK HD s’il vous plait donc avec un système d’attache très rapide. La batterie de 700 Wh (fortement conseillée) demande 200 € de plus, quand le chargeur rapide en demande 50 €. Pas le bout du monde, mais une configuration capable de rivaliser avec la concurrence fait grimper la facture à 4430 euros tout de même.
Avec son gros phare, ses clignotants et sa gâchette d’accélération pour lancer le vélo jusqu’à 6 km/h (mais pas que), le Gaya Incroyable est plus proche du scooter que du vélo. D’ailleurs, le projet Gaya est inspiré des scooters et 2 roues. CQFD.
Et donc cette gâchette, en quoi elle change la donne ? En tout. De prime abord, le cycliste fier dira que lui, il aime pédaler, faire l’effort, sentir le plaisir de la pression sur la pédale. Il va donc pester dessus. Puis, il l’essaiera et tout changera. Commençons par le lancement du vélo. Sur un moteur Bosch Cargo CX, par exemple, ce coup de pouce est donné par la pression sur la pédale lorsque le vélo et à l’arrêt.
Sur le Gaya, la pression de la gâchette fait accélérer le vélo jusqu’à 6 km/h, soulageant le cycliste et la transmission sur le passage. C’est idéal pour démarrer à un feu rouge, surtout chargé avec les enfants. Mais ce système a un atout caché : il permet de tirer la puissance maximum du moteur et de limiter l’effort de pédalage. En gros, vous devez pédaler, mais la pression à exercer est inexistante et il vous suffit de tourner les pédales. Cela rend totalement inutile le capteur de couple, certes, mais ça permet de titiller les 26 km/h sans effort.
Le freinage est correct, sans pour autant valoir du Magura ou du Shimano MT 500. Cela dit, afin de le vérifier, j’ai lancé le vélo à plus de 42 km/h, chargé de 120 kg (mon matériel et moi sur la selle), en pente. Et j’ai reproduit l’expérience plusieurs fois, pour un résultat régulier. Comprenez que le freinage est progressif, mordant et endurant. Je ne peux vous donner la distance de freinage dans ces conditions. Comptez 3 voitures du segment C, soit 12 mètres (mon repère). Ce n’est pas le top, mais c’est suffisant pour une utilisation quotidienne en bonne mère de famille, car le Gaya, par son design, est plébiscité par les femmes.
Les systèmes d’amortissement d’aspérité sont ce qu’il y a de plus réussi sur le vélo. Le confort est réel et, pour une fois, les enfants à l’arrière en bénéficient aussi. Je reste dubitatif sur la durée de l’élastomère dans le temps, mais je ne boude pas l’amortissement sur le passage à base de pavé du trajet de test. La direction a été revue, visiblement (ou sont-ce les bienfaits de la fourche suspendue ?). En tout cas, le guidonage n’est plus et ça, c’est une bonne chose, surtout lorsqu’il est question de lâcher une main pour n’importe quelle raison.
L’inertie reste cependant bien réelle. À la différence d’un Tern Quick Haul Long, 10 kg plus léger, le Gaya fait sentir son poids en virage, comme lors des manœuvres à l’arrêt. La béquille a été revue mais n’offre toujours pas le confort escompté. Dommage, car elle est utilisée non-stop.
Le gros phare et les clignotants sont mon petit kiff personnel. Le premier délivre un éclairage puissant et plutôt diffus. La nuit, c’est un régal. Les clignotants sont un délire de motard ou de bagnolards. Si la plupart des cyclistes clameront qu’on n’a rien fait de mieux que l’indication de la direction par le bras tendu, dans les faits, pouvoir garder les deux mains sur le guidon est un confort supplémentaire. Les pneus blancs sont jolis, mais je n’ai pas pu les essayer sous la pluie pour en vérifier l’efficacité sur sol mouillé.
Le parcours d’essai a pour lui un dénivelé croissant qui part d’Alfortville pour terminer à Villejuif, moyennant une jolie montée dont le dénivelé s’intensifie. Cela permet de tester l’endurance de la puissance en crête des moteurs. Celui du Gaya est un moteur au système Open Source alimenté en 48 V (contre 36 V habituellement). Son comportement est assez étrange, car il peine lorsqu’on attaque une montée raide de front. En revanche, sa crête tient admirablement bien et passé un moment de faiblesse, il se ressaisit et assure. Sur la fin du dénivelé de test, la plupart des bons moteurs finissent à 18 km/h (dont le Bosch Cargo). C’est la vitesse atteinte par celui du Gaya. Par contre, le moteur est bruyant, très bruyant même, et c’est vite agaçant. L’Incroyable ne s’appelle pas « le Silencieux » mais tout de même. On se croirait revenu 15 ans en arrière.
Pour la transmission, je ne serai pas dithyrambique non plus. Le Shimano Tourney n’est pas ma tasse de thé. Outre un calibrage calé pile sur le créneau 0-25 km/h (donc un peu léger dès qu’on veut arsouiller un peu en pente), il manque de fluidité dans les passages de vitesse (au nombre de 7 d’ailleurs). Il en rate d’ailleurs souvent et peine malgré le bon choix de braquet. Et ce, avec ou sans la gâchette activée. Puis, honnêtement, du Tourney sur un vélo à 3 700 € hors option, c’est un brin dommage.
L’Incroyable est animé d’un moteur d’une puissance de 250 W en 48V (contre 36 habituellement), ce qui lui permet de tenir sa puissance maximale jusqu’à la dernière goutte d’électrons, mais qui tire plus de jus, avec, en plus, un vélo très lourd.
Avec 6 heures de charge via le chargeur traditionnel pour une batterie de 700 Wh (la grosse batterie en option à 200 €), l’Incroyable est dans la moyenne. Un chargeur rapide, en option (50 €) permet de réduire l’attente à 2h30. Est-ce utile ? Probablement, car l’autonomie réelle avec cette grosse batterie a été de 44 km, avec pas mal de poids sur le vélo. C’est un poil faible, mais logique, compte tenu des 48V et du poids du vélo.
Le Gaya Incroyable n’est plus le vélo accessible à qui souhaite expérimenter le cargo. Il rentre dans le rang des vélos qui demandent un bon billet et doit affronter une concurrence plus technique et souvent plus pointue techniquement. Mais il reste un vélo différent, par son style rétro et coloré et son approche qui mise sur le confort et la facilité. Bref, ce qui constitue la réputation que la marque a acquise au fil des années. Un vélo élégant en plus d’être confortable, ça compte. Son poids de près de 40 kg complique vraiment les manœuvres à l’arrêt, malgré une gâchette d’accélération pratique pour démarrer, et la béquille nécessite encore du travail.
Le moteur 48 V se montre plus que correct mais bruyant, et la transmission Shimano Tourney manque de fluidité pour tracter un tel engin sans y laisser des dentures régulièrement. L’équipement est complet (GPS, batterie amovible, clignotants), mais la note grimpe vite avec les options. Bref, Gaya a mûri et affronte désormais les pros de la catégorie, à commencer par Tern et son GSD ou encore le Moustache Lundi 20. La bonne nouvelle, c’est qu’en plus d’émanciper l’usage du cargo, cette concurrence donne du choix au consommateur, et ça, c’est toujours très positif.
Confortable, élégant, amusant, facile, le Gaya Incroyable corrige presque tous les défauts de son aîné. Mais à 1 000 € de plus, nous pardonnons moins la transmission sous-dimensionnée et le bruit persistant du moteur. Le produit reste cependant un excellent choix dont l'adoption reposera désormais plus sur le coup de cœur que sur le pragmatisme financier.
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